Expulsé de chez lui, Vernon se ballade dans Paris et rappelle de vieux amis pour l’aider dans ce moment difficile. En possession de cassettes filmant un ami et chanteur célèbre avant sa mort, l’ancien disquaire est bientôt recherché dans toute la capitale. Inconscient de sa nouvelle popularité, Vernon Subutex navigue sans stress d’une maison à une autre entre style de vie rock’n’roll, fêtes, sexe et drogues.
De la même autrice : Baise-moi . Cher connard
Les fenêtres de l’immeuble d’en face sont déjà éclairées. Les silhouettes des femmes de ménage s’agitent dans le vaste open space de ce qui doit être une agence de communication. Elles commencent à six heures. D’habitude, Vernon se réveille un peu avant qu’elles arrivent.

À force d’entendre parler de Virginie Despentes et de son livre le plus connu Vernon Subutex, roman aux cinq prix littéraires, je me suis finalement lancée dans ce premier tome bien rock’n’roll. Virginie Despentes a un style bien à elle : cynique, provocant, grossier. Il ne plaît donc pas à tout le monde, surtout qu’il se marie bien avec les thèmes qu’elle met en avant dans Vernon Subutex : le désenchantement de la société contemporaine, le malmenage du corps et de l’esprit par l’excès d’alcool et de drogues pour s’échapper de la réalité fade, le sexe, le rock, la perception des genres.
Vernon Subutex ne brille pas par son intrigue mais bien par sa force sociologique et ses personnages hauts en couleur et le plus souvent, désœuvrés et amers. Aucun n’a trouvé le bonheur absolu, pour autant qu’il existe, et tous se complaisent dans leur addiction/obsession/bêtise. L’un des seuls à être un véritable gentil est Vernon. Ancien disquaire depuis la faillite de son magasin, le cinquantenaire qui est resté bloqué dans l’ambiance rock’n’roll de sa jeunesse, est viré de son appartement. Sans plus un sou, le voilà obligé d’arpenter les rues parisiennes en quémandant à ses anciens amis un endroit où dormir. Trimbalé de maison en appartement, Vernon ne s’inquiète pas trop du futur, préférant parler du bon vieux temps, faire la fête, coucher quand il le peut et trouver quelqu’un intéressé par son lot de cassettes bien particulières.
Les seules choses qu’il a réussies à récupérer dans son appartement avant sa mise à la porte, ces cassettes sont une sorte de testament d’Alex Bleach, un ami proche de Vernon mais surtout un chanteur célèbre qui est mort depuis peu. Révélant à un ami qu’il est en possession de ce trésor dont il ne mesure pas la valeur, Vernon devient un homme très recherché dans la capitale, plusieurs personnes étant très intéressés à l’idée d’obtenir les cassettes. Si on pense au départ que cette intrigue va avoir son importance, on se rend vite compte que ce premier tome ne s’y intéresse finalement que très peu. L’auteure met vraiment en avant une palette impressionnante de personnages, certains très secondaires, dont on va découvrir un épisode de leur vie et leur lien avec Vernon ou avec ce qui est en train de lui arriver.
le plus important, c’est la mère. Il ne faut pas faire des enfants avec une meuf sous prétexte qu’elle te fait bander. Ton gamin, sa mère a de beaux nibards, ça ne l’avance pas à grand-chose.
C’est l’occasion de présenter plusieurs portraits variés : hommes, femmes, transsexuels, hétéro, bi, homo, riche, pauvre, scénariste de film, ancienne star du porno, musicien, athée, musulmane, etc… Tous ont ou avaient un lien avec le milieu underground du rock, ce qui se ressent dans tout le roman, également dans le style très caustique et politiquement incorrect de l’auteure. Les personnages disent ce qu’ils pensent et Virginie Despentes n’a pas peur de choquer. Justement, elle en joue sans avoir peur d’en faire trop.
Vernon Subutex est un premier tome drôle, riche en constat sur notre société et sur ses failles et qui ne se cache pas derrière des artifices pour essayer d’être plus joli. Il dévoile sa vérité sans honte, même, il la revendique. Il perd tout de même de vue son idée première en oubliant parfois Vernon, les personnages se succédant les uns après les autres sans parfois qu’ils aient de réelles incidences sur le personnage principal – en tout cas, pour le moment. En espérant que l’histoire des cassettes soit davantage approfondi dans le deuxième tome.
Chaque souvenir est piégé. Une couverture qu’il avait gardée bien tirée sur l’angoisse glisse – la peau est mise en contact. Sa bulle était étanche, rassurante et bien équipée. Il vivait au formol, dans un monde qui s’est écroulé – accroché à des gens qui ne sont plus là. Il pourrait traverser la planète, fumer des plantes rares, écouter des chamans, résoudre des énigmes, étudier les étoiles – les morts ne sont plus là. Ni rien de ce qui a disparu.
Virginie Despentes, avec son style bien à elle entre cynisme, réalité sociale et grossièreté, dépeint un Paris désenchanté dans lequel l’univers rock peine à trouver encore sa place au sein d’une société en perpétuelle mouvement. C’est le livre parfait pour dégoûter de la drogue et la palette très variée de personnages est intéressante. J’aurais tout de même aimer être davantage avec Vernon, qui lui peut se montrer trop apathique à certains moments.

Sortie : mars 2016 (1e éd. : 2014)
Édition : Le Livre de Poche
429 pages
Si j’aime le cynisme et un peu de provocation, j’avoue que la vulgarité, ça passe rarement avec moi.
Mais ce roman m’intrigue pour sa force sociologique que tu mets bien en avant et la palette de personnages variés qui semble dépeindre une autre France, bien loin de celle des cartes postales.
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Très très loin des cartes postales, c’est ce qui rend le roman aussi intéressant. La manière vulgaire de parler des personnages vont avec le propos du livre et l’ambiance en général mais je peux comprendre que ça puisse gêner.
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Quand c’est bien amené, ça me gêne déjà beaucoup moins. Et ici, ça semble être le cas…
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Oui, c’est le cas. Je préfère en parler parce que ça ne plait pas à tout le monde mais l’auteure n’utilise pas ça inutilement.
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J’avoue avoir un peu peur. Bien que positif, ton retour confirme ce que j’avais lu et entendu… Pas sûre que ce soit pour moi. Mais c’est un plaisir de lire ta chronique !^^
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C’est sûr que c’est particulier comme livre. Le ton est la forme sont loin de ce que l’on peut lire généralement en littérature.
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