Dès sa rencontre avec son professeur, l’étudiant est pris d’une passion qui va le déstabiliser au plus profond de son être. Se donnant corps et âme dans cette nouvelle amitié, Roland doute de tout, sauf de son adoration pour celui qui devient, pour un temps, le centre de son univers.
Du même auteur : Brûlant secret . Amok suivi de Lettre d’une inconnue . Vingt-quatre heure de la vie d’une femme . Les Deux Sœurs . Le Joueur d’échecs . Le Monde d’hier . Un soupçon légitime
Quelle délicate attention de la part de mes étudiants et de mes collègues de la Faculté ; le voici, solennellement apporté et relié précieusement, le premier exemplaire du livre hommage que m’ont dédié les membres du département de Langues et de Littérature à l’occasion de mon soixantième anniversaire, ainsi que pour marquer la trentième année de mon professorat.

Pour passer un court mais agréable moment plein de douceur et de passion, quoi de mieux qu’un livre de Stefan Zweig ? J’ai eu l’idée de relire toutes les nouvelles que je n’avais pas chroniquées sur le blog, les ayant lu dans mon adolescence. Et, j’avais hâte de redécouvrir La Confusion des sentiments, la première nouvelle que j’ai lu. À seize ans, elle m’avait laissée une grande impression. Dix ans plus tard, j’ai été encore plus touchée par cette histoire pleine de sentiments des plus confus.
Le titre est parfaitement trouvé pour ce court récit mettant en lumière un jeune étudiant allemand. Obligé par son père de se lancer dans des études supérieures, il passe néanmoins son temps à courir derrière les jeunes filles de son université et à s’amuser dans des beuveries avec ses collègues. Mais bientôt sonne la fin de la récréation. Lorsque son père arrive à l’improviste, l’étudiant reçoit comme un électrochoc. Ce déclic humiliant va le pousser à prendre son destin en main et à étudier comme il ne l’a jamais fait, ce qui l’amène à changer de ville le semestre suivant et à rencontrer un nouveau professeur. Ce dernier passionne les étudiants tant il a à dire sur Shakespeare et ses écrits, et sur la littérature en général.
Dès qu’il l’entend, Roland est subjugué. Lui qui n’avait jamais pris la peine de lire les grands auteurs va maintenant s’en donner à cœur joie pour partager la passion de son professeur. Les deux hommes vont bientôt se lier d’amitié et le professeur va même proposer à l’étudiant de loger dans une chambre à un étage de son appartement. Vivant avec son épouse, il va laisser Roland entrer de plus en plus dans son foyer, le jeune homme invité à tous les repas et dissertant tous les soirs avec lui dans son bureau. Roland ne vit alors plus que pour ses moments privilégiés avec son professeur. Il se lance dans une frénésie littéraire, ne laissant de place à rien d’autre.
Étant elle-même beauté, la jeunesse n’a pas besoin de sérénité ; dans l’excès de ses forces vives, elle aspire au tragique, et dans sa naïveté, elle se laisse volontiers vampiriser par la mélancolie. De là vient aussi que la jeunesse est éternellement prête pour le danger et qu’elle tend, en esprit, une main fraternelle à chaque souffrance.
Stefan Zweig représente bien toute la fougue du narrateur, propre à la jeunesse, sa passion brutale et dévorante pour la passion d’un autre homme. Il est tellement à fleur de peau qu’un simple geste brusque, qu’un effleurement ou qu’un regard dédaigneux peuvent le paralyser pendant des heures ou des jours. Cette profusion de sentiments contraires et confus l’épuisent autant qu’ils nous épuisent à la lecture. Encore débutant dans les relations intimes profondes, il ne sait que penser et comment réagir face à ce qu’il vit et ressent. On devient rapidement aussi fébrile que lui quand il doute des sentiments de son professeur, aussi ému que lui quand ce dernier le remercie et le loue, et aussi apeuré que lui par le regard de défi de l’épouse.
Si Roland est victime d’une confusion des sentiments, ses deux hôtes sont également touchés par ce tiraillement, ce qu’il va peu à peu comprendre. Témoin direct de la vie du couple, il apprend à connaître le mari, puis la femme, et enfin le couple, qui vit singulièrement. Un mystère les enveloppe, le professeur possède une curieuse dualité et l’épouse reste mystérieusement en retrait quand il s’agit de son mari. Le trio se découvre, se teste et va amener à des révélations étonnantes et déstabilisantes pour Roland. Avec son talent des métaphores, Zweig vise parfaitement juste quand il s’agit de décortiquer les émotions humaines les plus fortes et les plus dévorantes. C’est magnifique, le fond et la forme se complètent parfaitement.
Pour la première fois il était donné à ma jeunesse encore inexpérimentée de pénétrer dans le mystère de la création : je voyais la pensée, encore incolore, n’étant qu’une pure chaleur fluide, comme le bronze fondu pour une cloche, naître du creuset de l’excitation impulsive, puis en se refroidissant, peu à peu trouver sa forme ; je voyais ensuite cette forme s’arrondir et se réaliser dans toute sa vigueur, jusqu’à ce qu’enfin le Verbe en sortît clairement et donna au sentiment poétique, comme le battant qui fait résonner la cloche, le langage des hommes.”
Redécouverte pour moi, cette nouvelle m’a encore plus transportée que la première fois, j’étais aussi fébrile et passionnée que ce jeune narrateur qui est victime d’un mélange de sentiments confus et contraires.
COUP DE ❤
Sortie française : 2010 (1e éd. : 1929)
Édition : Le Livre de Poche
195 pages
immense coup de cœur pour moi,il y a longtemps tu me donnes envie de le relire… J’aime énormément Stefan Zweig 🙂
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Superbe chronique qui donne très envie de découvrir ce jeune protagoniste et sa plongée dans les sentiments en même temps que dans la vie d’un couple qui semble spécial. J’aime cette idée de sentiments confus et exaltés que l’on ressent à travers tes mots…
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Un moment passionné oui, un doux moments pas sûre lol Mais comme toi, j’ai beaucoup aimé cette nouvelle et je trouve que l’auteur capture la complexité des sentiments comme personne.
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Tu donnes très envie de lire cette nouvelle !
C’est un auteur que j’ai encore trop peu lu.
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J’ai beaucoup aimé ce livre, je trouve qu’il y a une délicatesse, c’est comme le portrait de Dorian Grey mais en plus pure, il esr agréable à lire, l’histoire est belle et touchante et la fin est surprenante
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