Fantasio, « bourgeois de Munich » vaguement bohème, est menacé de la prison pour dettes. Dans le même temps la princesse Elsbeth, fille du roi de Bavière, est fiancée au prince de Mantoue, un imbécile couronné. Pour échapper à ses créanciers et aussi par désœuvrement, Fantasio, sur un coup de tête, décide de prendre la place du bouffon du roi qui vient de mourir. Plutôt qu’une comédie, Fantasio est une féerie, irréelle de légèreté et d’élégance, où se conjuguent les influences d’Hoffmann et de Shakespeare, de Marivaux et des Mille et Une Nuits. C’est en même temps une réflexion exemplaire sur le théâtre, qui renvoie dos à dos la tragédie classique, inadaptée aux temps bourgeois, et le drame romantique, déclamatoire et boursouflé, pour suggérer une troisième voie, celle d’un théâtre magique, ironique et tendre, à la croisée de la comédie de caractères et du conte merveilleux.
DU MÊME AUTEUR
– Lorenzaccio
– Un caprice
– Ô George ma belle maîtresse…
LE ROI – Mes amis, je vous ai annoncé, il y a déjà longtemps, les fiançailles de ma chère Elsbeth avec le prince de Mantoue. Je vous annonce aujourd’hui l’arrivée de ce prince ; ce soir peut-être, demain au plus tard, il sera dans cette ville. Que ce soit un jour de fête pour tout le monde.
Le XIXème siècle a fait émerger de grands noms de la littérature française tels que Zola, Hugo, Baudelaire ou encore Musset dont il est difficile de ne connaître quelques écrits, ceux-ci se révélant le plus souvent très réalistes et inspirants. Avec la Confession d’un enfant du siècle et diverses pièces que j’ai pu déjà lire de lui, Alfred de Musset est devenu l’un de mes auteurs favoris de ce siècle. Particulièrement prolifique dans la dramaturgie, j’ai voulu découvrir encore davantage son travail.
Après Les Caprices de Marianne, Il faut que la porte soit ouverte ou fermée et Un caprice, me revoilà aujourd’hui avec Fantasio, une pièce comique jouant sur les apparences qui fondent la société du XIXème siècle et la manière dont l’homme y évolue. Le roi de Bavière est prêt à marier sa fille avec le prince de Mantoue, mystérieux homme d’une autre contrée. La ville est alors en pleine effervescence autour de la prochaine rencontre entre la princesse Elsbeth et le prince.
Néanmoins, il y en a un qui ne peut partager ces réjouissances. Fantasio, un jeune homme de la ville, est criblé de dettes. Alors que le mélancolique Fantasio se lance dans une conversation avec Spark, son ami en perpétuel émerveillement, il va trouver la solution à son problème. Saint-Jean, le bouffon du roi, est mort depuis peu et la princesse le pleure. Fantasio a alors l’idée de se grimer et de devenir le nouvel objet de drôlerie et de spectacle au sein du château.
À l’intérieur du domaine du roi de Bavière, Fantasio va découvrir qui n’est pas le seul à ne pas se réjouir du prochain mariage. La princesse Elsbeth ne souhaite épouser cet inconnu mais elle sait que pour que la paix soit entretenue dans le royaume de son père, elle doit accepter son sort. Perçue comme fantasque par son peuple, caractère qui rejoint déjà celui de Fantasio, le prince de Mantoue se sent obliger de se grimer pour comprendre au plus vite le caractère de sa fiancée. Énième comédie de travestissement, le prince de Mantoue choisi donc d’inverser les rôles entre lui et son aide de camp pour évaluer au mieux le roi et sa fille.
Tu m’appelles ta vie, appelle-moi ton âme,
Car l’âme est immortelle, et la vie est un jour.
Mais cette pièce ne souhaite pas placer en son centre une nouvelle romance. Elle met plutôt en lumière un personnage qui campe un rôle privilégié au château tout en restant au même rang que les domestiques. Fantasio va alors devoir cacher son identité pour que ses créanciers ne le retrouvent pas, mentir à ses nouveaux compagnons pour rester le plus longtemps possible à son poste. Les dialogues qu’entretient alors Fantasio avec les différents protagonistes sont le plus souvent passionnants, ce personnage alliant richesse de la prose et intelligence de l’esprit.
Ce jeune mélancolique offre la parfaite image du mal du siècle propre à la génération romantique, incapable de se projeter dans le monde, dans l’avenir. Musset construit sa pièce intelligemment, proposant une intrigue très intéressante et offrant des références bibliques ou contemporaines qu’il s’amuse à transformer afin d’apporter le sourire et le rire à la fin de la plupart des répliques du personnage central.
Le dramaturge présente une nouvelle fois une pièce de théâtre complète avec de réels enjeux, de l’humour, de l’ironie bien placée, du secret et du mystère. Avec ce nouveau rôle de bouffon, Fantasio contemple lui-même un spectacle dans la comédie. Véritablement face à du théâtre dans le théâtre, Musset joue sur les règles, les bienséances de la société et nous montre leurs limites, leurs absurdités, leurs importances.
ELSBETH – Tu me fais l’effet de regarder le monde à travers un prisme tant soit peu changeant.
FANTASIO – Chacun a ses lunettes ; mais personne ne sait au juste de quelle couleur en sont les verres. Qui est-ce qui pourra me dire au juste si je suis heureux ou malheureux, bon ou mauvais, triste ou gai, bête ou spirituel ?
Une pièce intelligemment pensée et construite qui offre des réflexions intéressantes, de l’humour travaillée et fin et se place souvent comme une loupe sur la société du XIXème siècle.
Sortie : 2009 (1e éd. : 1834)
Édition : Folio (Plus classiques)
131 pages
Première fois que j’entends parler de cette pièce, comme quoi, j’ai encore des lacunes à combler. Le thème m’intéresse, alors je la note 🙂
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Je ne la connaissais pas non plus avant de tomber dessus à la bibliothèque de ma fac. Ça me permet souvent de tomber sur de bons ouvrages 🙂
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