Ingrid a 20 ans et des projets plein la tête quand elle rencontre Gil Coleman, professeur de littérature à l’université. Faisant fi de son âge et de sa réputation de don Juan, elle l’épouse et s’installe dans sa maison en bord de mer.
Quinze ans et deux enfants plus tard, Ingrid doit faire face aux absences répétées de Gil, devenu écrivain à succès. Un soir, elle décide d’écrire ce qu’elle n’arrive plus à lui dire, puis cache sa lettre dans un livre. Ainsi commence une correspondance à sens unique où elle dévoile la vérité sur leur mariage, jusqu’à cette dernière lettre rédigée quelques heures à peine avant qu’elle ne disparaisse sans laisser de trace.
Depuis la fenêtre du premier étage de la librairie, Gil Coleman aperçut sa défunte femme debout sur le trottoir d’en face.
Quel périple épistolaire ! Claire Fuller réussit dès les premières pages à faire naître l’intérêt de son lecteur en l’invitant au sein de l’intimité de la famille Coleman. Pour raconter son histoire, deux temporalités vont se croiser et se suivre tout au long du récit afin que l’on se rapproche au plus près d’Ingrid, cette femme fatiguée et désillusionnée par sa vie de couple. D’abord, il y a ses lettres qu’elle adresse à Gil, son mari, où elle lui raconte de son point de vue leur vie conjugale et familiale dès leur rencontre alors qu’elle n’était encore qu’une étudiante et lui un professeur d’université.
Les sentiments naissent, les déclarations fleurissent mais quinze ans plus tard, cet amour semble inéluctablement fâner. Alors, après avoir construit une vie de famille autour de leurs deux filles, après avoir accepté d’abandonner certains de ses rêves pour l’homme qui partage sa vie, Ingrid fait les comptes. Par l’intermédiaire de cette correspondance à sens unique alors que Gil est de plus en plus absent dû à son statut d’écrivain reconnu, elle délivre sa version de l’histoire, sa vérité sur leur couple. Avec sa sensibilité et son envie d’aller au bout des choses avec de nombreux, elle retrace toutes ses années passées avec lui avec un certain réalisme et lyrisme.
Le lecteur est placé véritablement au sein de l’intimité de ce couple désillusionné. À mesure où Ingrid écrit, elle se dévoile, elle ressent, elle retranscrit ses sentiments, ses émotions, son amour, ses peines, sa haine, etc… Tout est plus facile lorsque l’on se met à nu sur le papier où l’on peut réellement tout détaillé, expliqué. On pourrait se dire qu’il manque quelque chose, qu’il manque la version de Gil, sa perception de son couple au fil des années. Mais cette correspondance n’est pas faite pour être impartiale.
Gil n’est pas mis constamment au porte à faux mais on comprend rapidement que la nécessité d’Ingrid de déclamer ses sentiments dans cette correspondance relève davantage du besoin que de l’envie. Elle ne sait pas comment parler à son mari alors elle écrit. Et peut-être qu’elle se montrera parfois injuste ou de mauvaise foi, mais ce qui est sûr, c’est qu’elle ne trichera pas sur ce qu’elle ressent.
Le monde entier était devenu plus abrasif : les draps m’écorchaient la peau, les vêtements m’irritaient, tout comme les gens. Je n’éprouvais de soulagement que sous l’eau ou dans mon jardin.
D’un autre côté, nous découvrons Gil et ses deux filles une dizaine d’années après la disparition d’Ingrid suite à sa dernière lettre. Ces trois individus ont dû avancer avec l’absence d’une épouse ou d’une mère. Ils restent tout de même perdus par le manque, l’incompréhension, le regret. Qu’auraient-ils pu faire pour que leur vie soit différente ? Est-ce qu’il y a un moyen de faire revenir Ingrid ? Est-elle morte ? De multiples interrogations restent ancrées au sein de ces trois personnages qui continuent avec un vide à l’intérieur d’eux même.
Ces deux histoires qui se relient se suivent, s’alternent tout au long du récit avec justesse et simplicité. Elles nous permettent de faire également face aux sentiments de cette famille sans Ingrid, celle qui se livrait par le passé grâce aux mots. La plume délicate de Claire Fuller permet d’aller toujours plus près des émotions des protagonistes sans un effet d’overdose ou de répétition. On s’attache aux personnages, particulièrement à Ingrid et le désir de connaître à notre tour la vérité sur cette histoire gonfle au fur et à mesure du roman. Mais, en existe-t-il une seule ? À vous de le découvrir en vous plongeant dans Un mariage anglais, un roman agréable et surprenant. Merci à NetGalley et aux éditions Stock pour cette lecture.
Tout ce qui compte dans le roman, c’est le lecteur. Sans le lecteur, le livre n’a aucun intérêt, par conséquent le lecteur est au moins aussi important que l’auteur, si ce n’est plus. Mais souvent, la seule façon de savoir ce qu’un lecteur a pensé, ce qu’il a traversé pendant la lecture, est d’observer ce qu’il a laissé derrière lui.
Un roman sensible, délicat, qui par la correspondance d’Ingrid va au plus près des sentiments de cette dernière. Touché par sa vision de sa vie familiale et conjugale, le lecteur suit les conséquences de ses choix et de ceux de son mari.
Sortie : avril 2018
Édition : Stock (La Cosmopolite)
448 pages
Un livre que j’ai vu passer pas mal au boulot, mais j’avoue ne pas avoir pris le temps de le regarder en détail…. Je retiens le titre en tout cas 😉
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Je ne m’attendais pas à autant accrocher malgré les bons avis que j’avais pu lire et j’ai vraiment apprécié découvrir la vie intime de ce couple. Qu’on alterne entre le présent et le passé par les lettres d’Ingrid est vraiment très intéressant.
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