Jean McClellan est docteure en neurosciences. Elle a passé sa vie dans un laboratoire de recherches, loin des mouvements protestataires qui ont enflammé son pays. Mais, désormais, même si elle le voulait, impossible de s’exprimer : comme toutes les femmes, elle est condamnée à un silence forcé, limitée à un quota de 100 mots par jour. En effet, le nouveau gouvernement en place, constitué d’un groupe fondamentaliste, a décidé d’abattre la figure de la femme moderne. Pourtant, quand le frère du Président fait une attaque, Jean est appelée à la rescousse. La récompense ? La possibilité de s’affranchir – et sa fille avec elle – de son quota de mots. Mais ce qu’elle va découvrir alors qu’elle recouvre la parole pourrait bien la laisser définitivement sans voix…
Si on m’avait dit qu’en une semaine, j’allais faire tomber le Président, le Mouvement Pur, et ce petit merdeux incompétent de Morgan LeBron, et je n’y aurais pas cru. Mais je n’aurais pas protesté. Je n’aurais pas dit un mot.
Je sais bien que je suis loin d’être la première à chroniquer ce roman mais après l’avoir lu en août, il était vraiment temps que je donne mon propre avis. J’ai hésité un moment avant de me décider à l’acheter au vu de son succès dès sa sortie et des éloges que j’avais pu lire. Comparé à La Servante Écarlate de Margaret Atwood pour ses critiques contre un patriarcat dictatorial, Vox promettait d’explorer la condition féminine au milieu de cette absence de libertés, notamment celle fondamentale de s’exprimer.
Et je peux dire que Christina Dalcher s’en sort extrêmement bien, je comprends tout à fait l’engouement autour de son livre dans lequel son personnage principal fait les frais de son manque de méfiance. Jean McClellan ne s’est jamais inquiétée pour son avenir, que ce soit pour son travail dans le domaine des neurosciences que pour son statut de femme au sein de la société américaine. On peut dire maintenant qu’elle s’en est bien mordue les doigts.
Pendant ses années étudiantes, au lieu d’écouter sa colocataire, Jean a continué sa vie en se disant qu’un gouvernement aussi grand soit-il ne pourrait pas annihiler les droits de toute une population. Et pourtant, quand des individus sont dictés par la peur et la haine, ils peuvent être les créateurs de choses inimaginables afin de reprendre le contrôle. La liberté d’expression à son paroxysme, les homo/trans/bisexuels sortant de leur placard, la parité en voie d’être pleinement adoptée même si les inégalités sont encore nombreuses, tout ça crée d’énormes changements dans nos sociétés contemporaines.
C’est alors qu’aux États-Unis, la religion est à nouveau perçue par le gouvernement comme la réponse à cette peur primaire, celle de ne plus rien contrôler à force de bouleversements à l’échelle mondiale. Bientôt, les frontières se ferment et le mode de vie des Américains régresse. Les hommes travaillent et les femmes restent à la maison pour s’occuper des enfants. Et parce qu’elles n’ont rien à donner de plus et parce que d’après la Bible, en tout cas comme le gouvernement l’interprète, elles ont été créé pour servir les hommes, il n’est plus utile de les écouter, de les entendre.
Chaque femme et chaque fille sont alors ornées d’un bracelet qui comptabilise quotidiennement le nombre de mots prononcés. Cent est la limite et si elle est dépassée, la punition peut rapidement être très douloureuse. Ancienne scientifique, femme libre et autonome, Jean rage de cette situation humiliante qui lui permet uniquement de soutenir son mari et de s’occuper de Steve son fils adolescent, de ses jumeaux et de sa petite dernière, Sonia. En un an, cette société portée par des préceptes religieux s’est complètement métamorphosée et il est glaçant de se rendre compte de la manière avec laquelle elle s’est rapidement adaptée.
Un cours théorique sur la religion pour les lycéens par-ci, des idées débattues à la télévision par-là et bientôt, vous êtes complètement rattrapés par les événements. Femmes, vous êtes bientôt mises en cage dans votre propre maison à vous effrayer de ce que pourrait rapporter votre propre fils complètement embrigadé si vous faites un seul pas de travers ; de ce que votre fille va bien pouvoir devenir, elle qui est récompensée à l’école si elle dit le moins de mots possibles et qui croit que se taire est la normalité pour les femmes.
Une chose que j’ai apprise de Jackie : tu ne peux pas t’opposer à ce que tu ne vois pas venir.
Dès les premières lignes, difficile de ne pas être happée par cette histoire révoltante où l’interdiction de la liberté des unes fait le bonheur des autres et où les enfants sont eux-mêmes traités d’une manière intransigeante et inhumaine. Lors de cette lecture, on est tantôt écœurés, tantôt épouvantés par ces règles assujettissantes et même par le manque d’actes de certains qui pourraient bien faire la différence. Mais bientôt, Jean retrouve peu à peu l’espoir suite à une visite dans sa maison.
Quand le frère du Président souffre d’un mal dont le remède n’a pas encore été complètement trouvé, c’est Jean qu’on vient chercher. Spécialisée dans ce cas précis, elle va pouvoir endosser à nouveau son travail de neurochirurgienne au côté de son ancienne équipe. Mais pour combien de temps ? Peut-elle accepter de regoûter à une certaine liberté si c’est pour qu’on la lui reprenne aussitôt ? Jean sait alors qu’elle doit trouver une solution pour arrêter toute cette folie et heureusement, elle n’est pas la seule à y penser.
Vox est un roman particulier où le style est fluide mais où le récit n’est pas forcément rythmé. Les descriptions s’enchaînent, Jean se sent longtemps incapable de faire quelque chose de concret dans sa situation et il faut attendre un bon moment avant que le livre révèle un réel but pour le personnage. D’abord, nous découvrons le quotidien de Jean mais aussi son passé d’étudiante au côté de Jacky, porte-parole féministe, et sa réaction face aux prémices des changements de son pays avec des discussions tendues avec son fils.
Christina Dalcher nous propose toute une ambiance avant d’instaurer une forme d’action à son récit ce qui m’a personnellement permis de me mettre à la place de Jean, de comprendre son combat intérieur et ses raisons qui la poussent à désobéir. Car au-delà de ses propres besoins, elle pense évidemment à ses enfants, en particulier à sa fille, et au monde dans lequel ils évoluent, grandissent. Ses peurs et sa rage sont parfaitement perceptibles et font écho à ceux du lecteur.
Heureusement, le récit n’est pas tout à fait manichéen, l’auteure ne mettant pas tout le monde dans le même sac même si l’on comprend bien que Jean doit effectivement se battre pour ses libertés en tant que femme dans une société patriarcale à son paroxysme. Avec des interrogations similaires toujours présentes dans notre réalité, ce genre de roman est plus qu’utile pour alimenter encore davantage le débat sur la parité, sur les libertés universelles, l’égalité des genres, la liberté sexuelle,etc. La fin pêche un peu par rapport à la globalité du roman, étant trop précipitée ce qui laisse une impression de facilité un peu brouillonne mais ça ne m’empêche pas de penser qu’il est important de lire des romans comme Vox.
Il ne nous tuent pas, pour les mêmes raisons qu’ils n’autorisent pas les avortements. Nous sommes devenues un mal nécessaire, des objets que l’on baise sans les écouter.
Asphyxiant, révoltant, Vox est un roman avec une atmosphère bien palpable faite de silences qui en disent longs et de rage. La fin est plus précipitée mais l’histoire globale est très bien développée entre le quotidien silencieux du personnage et bientôt le combat de celui-ci pour sa liberté et celle de sa fille.
Sortie : mars 2019
Édition : NiL
432 pages
Il est dans ma PAL, j’ai vraiment hâte de le lire !
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La majorité des avis sont positifs donc je pense qu’il y a de grandes chances que ça soit aussi ton cas. Bonne lecture !
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J’ai hâte de le lire !
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J’espère qu’il te plaira tout autant qu’à moi, bonne lecture 🙂
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Il est difficile de ne pas comparer Vox à La servante écarlate mais on peut au moins les rapprocher concernant l’aspect liberticide pour les femmes. J’ai été convaincue par l’univers, moins par le déroulé de l’histoire et son final. Ceci dit, il a le mérite d’exister et pourrait éveiller des consciences qui ne s’intéressaient pas au roman de Margaret Atwood.
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Je n’ai pas encore lu La servante Écarlate mais oui, ça a l’air de se ressembler et c’est bien qu’on puisse ne pas s’arrêter seulement au livre de Margaret Atwood. Comme toi, la fin ne m’a pas totalement convaincue, c’est dommage parce que j’ai beaucoup aimé le reste. En tout cas, ça m’a donné envie de lire La Servante Écarlate même si je lis beaucoup d’avis mitigés par rapport au style particulier de l’auteure.
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Et bien, ce roman ne me tentait pas, mais après t’avoir lue, je l’ajouterais bien à ma PAL !
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La thématique féministe clairement revendiquée ne m’intéresse pas forcément d’habitude mais je me suis laissée tenter par Vox et j’en suis bien contente. Après, le rythme est assez lent, le style descriptif, mais c’est facile de se sentir concernée et révoltée par cette histoire.
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