Parti s’illustrer dans la Guerre de Troie, Ulysse laisse les rênes d’Ithaque à sa femme Pénélope. L’occasion pour cette dernière de se révéler et de montrer ce qu’elle vaut réellement dans ce monde mélangeant mythologie grecque et science-fiction.
Depuis qu’elle avait ouvert les yeux, Euryclée n’arrivait pas à se concentrer. Elle ne savait même pas comment elle avait pu s’endormir en premier lieu et elle ne s’était sans doute reposée qu’une heure ou deux, réveillée par les autres servantes avant l’aurore. Son cœur battait à tout rompre, et il lui arrivait de mâcher tout ce qu’elle avait dans les mains en suffoquant. Il fallait dire qu’en plus du stress, le jour s’annonçait chaud : l’été était aujourd’hui en avance sur la petite planète poussiéreuse qu’était Ithaque.
Le premier roman de Mathilde Beauchamp a de quoi intriguer. Réécrire L’Odyssée du point de vue de Pénélope dans un univers mythologie ET futuriste, ça pique facilement la curiosité des amateurs de mythologie grecque. Et, ils auront raison de se tourner vers La Pénélopée : on retrouve ici tout ce qui fait de ces personnages des mythes à part entière. Ulysse, Athéna, Poséidon, Télémaque, mais surtout Pénélope. Dans ce récit qui prône le progressisme, Pénélope a une place de choix afin de montrer qu’elle peut être bien plus que l’épouse d’Ulysse, attendant patiemment que son mari revienne de la guerre. Il m’a tout de même manqué une référence autour de la tapisserie qu’elle brode pour éloigner ses prétendants, mais soit, ce n’est qu’un détail.
Pour ce qui est du matériau mythologique, les références sont bien présentes et surtout, elles s’emboitent à merveille avec les décors futuristes créés par l’autrice. Cette dernière s’approprie avec inventivité cet univers mythologique. On a l’impression que le matériau littéraire a juste évolué et que, dans le futur, pour que les hommes et femmes vivant dans l’espace puissent s’identifier à ces mythes, on a changé les échelles géographiques. Les villes deviennent alors des planètes à part entières et la guerre de Troie revêt une puissance d’autant plus grande à l’échelle de la Galaxie. Chose encore plus curieuse et originale : Pénélope et les autres protagonistes vivent à la manière du Far West. Saloons, revolvers à la taille, chapeaux de cowboys, toute la panoplie est présente. C’est vrai que la vie des cowboys devait être aussi mouvementée et violente que celle des dieux et mortels au sein de la mythologie grecque.
Si l’univers original convaincra la majorité, le fond de l’histoire manque malheureusement de complexité et, parfois, de maturité. Quittant Sparte pour Ithaque, Pénélope pensait fuir la violence de sa planète d’origine pour découvrir une vie paisible aux côtés d’un mari aimant et digne. Malheureusement, la belle déchante vite, Ulysse est loin d’être le prince charmant. Si, dans Circé de Madeline Miller, le héros d’Ithaque révélait clairement sa personnalité double et tiraillé, il est ici représenté comme un être froid, violent et malhonnête. Volant de plus en plus l’énergie de Pénélope par la force de ses poings et de sa langue venimeuse, Ulysse resplendit d’autant plus auprès des autres habitants d’Ithaque. Celui qui est élu Gouverneur de sa planète sait donner le change et se faire aimer de son peuple. Mais, lorsque la Guerre éclate, le héros est bien obligé de partir rejoindre les troupes, bien malgré lui.
Six femmes, toutes parées des signes de la sagesse, de la fertilité et du divin. Le soleil choisit de se joindre à cette scène en illuminant l’escalier de ses rayons dorés. Au milieu d’elles, Pénélope ressemblait à la déesse Démeter, parée de ses plus beaux atours, son fils accroché à son sein. Elle en avait l’attitude et la noblesse : personne ne pouvait soupçonner la plaie béante qui scindait son dos en deux.
Suite au départ de son mari, Pénélope pourrait bien retrouver son souffle et montrer une toute autre facette de son caractère. Elle qui était effacée et impassible devient une vraie force de la nature qui a à cœur le bien de son peuple et de sa planète. Elle devient alors une dirigeante tournée vers l’avenir en remodelant la planète et les lois pour un monde plus égalitaire. Évidemment, elle connait quelques détracteurs et l’enjeu de Pénélope sera d’obtenir l’aval de tous au fil des années. Car, même après la victoire, Ulysse peine à revenir chez lui. Sa route jusqu’à Ithaque est longue et tortueuse, au bon plaisir de Pénélope. Cette dernière n’est pas prête à lâcher le pouvoir et surtout à retrouver son monstre de mari. Cette campagne pour l’habilitation de Pénélope à Ithaque est intéressante, chaque chapitre prenant le point de vue d’un des habitants proches d’elle, sympathisants ou ennemis.
On découvre comment chacun a rencontré la seconde du Gouverneur, comment elle a d’abord été perçue et comment elle a réussi à montrer toute sa valeur. Pour beaucoup, un déclic se fait à la vue d’un exploit de Pénélope et pour certains, c’est parfois un peu trop gros. Souvent, Pénélope ne semble même plus humaine tellement elle irradie et abasourdit ceux qui s’approchent d’elle. Elle ne semble avoir aucune faille et tout le monde la prend bientôt pour une super-héroïne – voire presque une déesse – sans vraiment de défauts. Le seul que personne ne semble lui reprocher, à part Eurynomé et Laërte, est la haine qu’elle voue à son fils, Télémaque. Mais, finalement, toute ombre à son tableau est écarté pour mettre vraiment l’accent sur les tares et les vices d’Ulysse.
C’est comme si Pénélope prenait, grâce à ce livre, sa revanche sur son époux auréolé de gloire. La manière dont se forment quelques alliance et se concluent des sous-intrigues sont un peu trop faciles, je m’attendais à un peu plus de complexité dans la construction de l’intrigue et à plus d’approfondissements, notamment concernant la relation entre Pénélope et Télémaque. Malgré cela, le style est immersif et nous donne envie de découvrir toujours plus de choses sur ce monde vaste dans lequel mortels, héros, héroïnes et dieux cyborgs tentent de placer au mieux leurs pions au sein de ce grand échiquier à l’échelle galactique. Merci à NetGalley et à 404 éditions pour cette lecture.
Quel courage de tenir tête à un Gouverneur au moins trois fois plus puisant qu’elle ! Quelle lucidité, elle qui ne fut pas influencée par son égo pour se décider ! Quel altruisme de ne pas considérer les richesses d’Ithaque comme les siennes…
Le matériau mythologique est transposé dans un univers futuriste entre vaisseaux spatiaux et ambiance Far West, c’est original et bien pensé. Pour ce qui est du scénario et des personnages, l’écriture manque encore de complexité. C’est plein de bonnes intentions mais c’est parfois difficile d’être entièrement convaincu par les revirements et par les choix des personnages.
Sortie : août 2021
Édition : Éditions 404
177 pages
Je t’avoue que ce roman me rappelle sous quelques aspects Lore et me donne, par conséquent, assez envie 😉
Ton enthousiasme me rassure ! Je l’inscris à ma WL.
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J’ai failli acheter Lore hier, mais j’ai craqué sur un autre livre dans le même thème, Les Ménades de Nicolas Texier. Lore sera pour plus tard ^^
Si tu aimes les récits mythologies, La Pénélopée a de grandes chances de te plaire.
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Lol ça a un petit côté Ulysse 31 avec la SF du coup ^^
Pas sûre de tout aimer, ça m’a l’air un peu jeune/facile. L’éditeur est un éditeur de romans pour adultes ou jeunes adultes ?
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C’est un éditeur pour jeunes adultes, voire jeunesse. Donc, c’est sûr que ce n’est pas étonnant de ressentir ce manque de complexité, je pense qu’il plaira vraiment beaucoup à la cible adolescente.
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Merci pour ta réponse. Je préfère avoir ça en tête si je dois le lire pour ne pas trop en attendre. J’aurais sûrement beaucoup aimé le lire à cet âge-là.
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Je pense justement que je n’avais pas assez ça en tête pendant ma lecture, ce qui fait que j’ai pu être un peu déçue.
Pareil, je pense que ça aurait été plus sympa de le lire ado.
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Je suis fan de mythologie et l’univers semble sortir de l’ordinaire alors pourquoi pas 🙂
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C’est sûr que l’univers est original avec son mélange de mythologie et de technologie. C’est vraiment bien fait de ce côté-là.
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Je ne pense pas que ce soit un livre pour moi. J’adore la mythologie grecque jamais jai horreur des livres se déroulant dans l’espace xD
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Aïe, alors oui, il y a de grandes chances que tu n’y trouves pas ton compte ^^ Parce que là, on est en plein dedans avec des conflits à l’échelle cosmique et la « politique » entre planètes (même si c’est très mineure)
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Je passerais mon tour alors ^^ après, ce nest pas comme s’il n’y avait pas assez a lire 😉
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Oui, il y a largement de quoi faire ^^
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Je note, mon fils est dans sa phase mythologie…
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Si il aime la mythologie, il y a de grandes chances pour que ça lui plaise même si je trouve qu’il faut s’y connaître vraiment un minimum pour apprécier les références mythologiques remises au goût du jour.
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Il vient de commencer le latin, et face à l’ennui récurrent des élèves, ils sont tombés sur une prof dynamique qui utilise la mythologie pour les appâter, et ça marche, car le latin est l’un de ses cours préférés !
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C’est une très bonne idée, géniale comme technique ! Je me rappelle de mes cours de latin, et effectivement, ils étaient loin d’être intéressants…
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