Attendant le prochain ferry disponible, un père et sa fille doivent bientôt s’isoler dans leur chambre d’hôtel. Le temps pour cet homme de réfléchir à son rôle de père malgré ses doutes et ses angoisses.
« De ton tout petit long étalé sur la banquette du taxi qui traverse Paris, tu dors dans mes bras. Tes baskets rouges posées sur les sièges. Tu ne devrais pas mais je ne dis rien, pour ne pas te réveiller. »
Avec une quatrième publication chez le Seuil, Julien Decoin revient en librairie en ce début d’année avec Temps calme, pleine tempête. C’est la première fois que je lisais cet auteur français dont le titre du nouveau m’intriguait fortement. Comment le calme et la tempête peuvent-ils se combiner ?
Le narrateur est sur la route avec sa fille de cinq ans pour rejoindre son épouse sur une île. Se dépêchant pour ne pas rater le dernier ferry de la journée, l’homme nous livre ses pensées lors de son voyage, en s’adressant directement à sa fille. L’usage de la deuxième personne du singulier afin de raconter toute cette histoire est étonnant et, étrangement, très prenant. Finalement, on est placé aux plus près des préoccupations du personnage, au plus près de sa vérité, tellement vraie qu’il ne peut pas la dire à voix haute à sa fille. Parce qu’elle est trop petite, parce qu’elle aurait peur, parce qu’elle serait déçue de lui. Car, si on ressent immédiatement l’amour incommensurable de ce père pour sa fille, on comprend également que ce papa protecteur a également des problèmes personnels. Alcool, sorties nocturnes, manque de confiance en lui, etc… Il n’est pas un homme, époux, père modèle. Et il essaie alors de surcompenser en tentant de convaincre son public qu’il sera toujours là pour protéger et pour aimer sa fille.
« Tu es la seule personne que je ne peux pas tromper, même tenté par d’autres lèvres, d’autres seins, d’autres fesses ou d’autres courbures d’esprit, séduit par un corps ou les mots d’une autre, dans un lit et des bras, ce n’est jamais toi qui seras remplacée, délaissée, oubliée. On ne peut pas se quitter. Je ne peux pas moins t’aimer. Je ne peux pas ne plus t’aimer. C’est la seule chose dont je suis sûr, avec la mort qui m’attend. Tu es ma fille. »
Ses moments d’introspection sont intéressants même si on peine à comprendre d’où vient son mal-être. Mais ce sont ses déclarations pour sa fille qui sont particulièrement touchantes. Le personnage nous ouvre totalement la porte de son esprit, quitte à se mettre à nu et à affronter ses peurs et ses erreurs. Alors que le ferry part sans eux, le père et la fille se retrouvent à devoir rester dans l’hôtel le plus proche pour une nuit… jusqu’à l’annonce le lendemain de la quarantaine imposée à tout l’établissement. Isolement dans les chambres, aucun départ prévu des bateaux. On comprend vite de quoi il en retourne, ayant tous vécu des confinements en 2020.
Mais ce n’est pas la cause de cet isolement qui va être le plus important mais la relation père/fille et l’envie du père de faire les choses bien même s’il peut se laisser aller à l’impatience ou à des tentations dangereuses. Julien Decoin nous met face aux imperfections de son narrateur qui lui, veut avancer, pas forcément pour lui mais pour ce petit être qui est tout pour lui. On est évidemment touché par ses mots et ses intentions. Reste qu’il se répète de temps en temps et cette redondance m’a un peu lassée au dernier tiers du roman. À mon sens, le roman aurait pu être un peu raccourci malgré qu’il soit déjà court. Mais globalement, cette lecture propose un bon moment de lecture tout en sentiment et introspection. Merci à NetGalley et aux éditions du Seuil pour cette lecture.
« Il y a trois regards dont je me souviendrai. Celui du loup, fin et méfiant, qui m’a regardé comme un égal ; celui du lion, bête et confiant, qui m’a regardé comme un moins que rien ; et le tien, simple et aimant, qui m’a regardé comme un tout, comme si j’étais une merveille, un miracle, ou même un dieu. »
Parenthèse pleine d’amour paternel et d’introspection, ce livre nous délivre tous les sentiments et imperfections de son narrateur. Même si on peut ressentir une certaine redondance au fil des pages, l’écriture est charmante, juste et profonde.
Sortie : 6 janvier 2023
Édition : Seuil (Fictions et cie)
Genre : Contemporain
192 pages
La couverture est très belle comme semble l’être l’histoire de ce père imparfait qui aime néanmoins sincèrement son enfant.
J’aimeAimé par 1 personne
Tout à fait, c’est une histoire qui ne fait pas de chichis et qui nous met face aux incertitudes, aux peurs et à l’amour propres à la parentalité.
J’aimeAimé par 1 personne