Alors que la rivière inonde Perdido et bouleverse le quotidien de ses habitants, une mystérieuse femme s’installe dans la petite ville d’Alabama et se lie bientôt aux Caskey, ce dont la matriarche de la famille voit d’un très mauvais oeil.
DE LA MÊME SAGA
– La Digue tome 2
– La Maison tome 3
– La Guerre tome 4
– La Fortune tome 5
– Pluie tome 6 ]
« À l’aube du dimanche de Pâques 1919, le ciel au-dessus de Perdido avait beau être dégagé et rose pâle, il ne se reflétait pas dans les eaux bourbeuses qui noyaient la ville depuis une semaine. »
Particulièrement connu en tant que scénariste de longs métrages horrifiques et/ou fantastiques comme Beetlejuice et L’Étrange Noël de monsieur Jack, Michael McDowell est également un écrivain de plusieurs romans et nouvelles. S’il reste assez inconnu en France, l’auteur a pourtant connu une grosse popularité aux États-Unis grâce à son style visuel et commercial dont il était fier. Stephen King l’encense tout particulièrement, plaçant McDowell comme le meilleur écrivain américain de livres de poche, et ce n’est pas anodin vu les quelques similitudes entre le travail des deux auteurs.
Pour faire davantage connaître Michael McDowell au public français, la maison d’édition Monsieur Toussaint Louverture a décidé de publier l’une de ses sagas écrite dans les années 80, Blackwater, sans lésiner sur les moyens. Au format poche, dans l’esprit même des publications originales, cette saga familiale et fantastique en six tomes attire rapidement l’œil. Le travail sur les couvertures est magnifique, entre relief et dorures qui retranscrivent parfaitement l’ambiance de cette histoire composée de multiples tons et mystères. La publication en forme de feuilleton est également étonnante et attrayante, avec un intervalle de deux semaines pour chaque tome. La Crue, premier tome de la saga, est sorti le 7 avril dernier ; il faudra donc attendre seulement le 17 juin pour obtenir le sixième et ultime tome de Black water. Ce choix éditorial et marketing m’a tout de suite intéressée. Ayant déjà été émerveillée l’année dernière avec Anne de Green Gables et sa belle couverture, j’avais peu de craintes à tenter un nouveau livre du catalogue de cette maison d’édition. Et, j’ai bien fait de me lancer aussi soudainement dans La Crue, quelle bonne surprise !
Pourtant, ce n’est pas si surprenant que ça, le style est fluide, mystérieux, visuel. Mais, le roman garde un rythme de croisière qui pourrait réfréner certains lecteurs qui aiment lorsque l’action se lance enfin. Ici, on est davantage dans une fresque familiale dans les années 20 que dans un roman fantastique avec de multiples péripéties et événements grandiloquents. À l’instar de Stephen King, Michael McDowell aime installer une ambiance pesante dans laquelle tout semble en apparence bien aller mais qui va bientôt connaître un grand bouleversement. Seulement, on ne pourra jamais savoir quand et comment ce bouleversement surgira. McDowell tend également à créer des personnages qui ont du corps, de la consistance et des aspirations propres. Dans ce premier tome, nous suivons tout particulièrement la famille Caskey, l’une des trois grandes familles de la petite ville de Perdido, dans l’Alabama, qui vit aisément grâce à sa scierie.
« Je suis sûre que je m’amuserais plus en trente minutes à un coin de rue de La Nouvelle Orléans ou de Nashville qu’en une vie entière à Perdido. La chose la plus excitante à faire ici, c’est de s’asseoir au bord de la rivière et compter les cadavres d’opossums qui passent. »
Oscar Caskey a repris les affaires de son défunt père avec son oncle James, et fait vivre son foyer composé de sa mère Mary-Love et de sa sœur Sister. Mais la ville va connaître un grand chamboulement lorsque la Perdido, rivière qui a donné son nom à la ville, sort de son lit et inonde toutes les terres avoisinantes. S’entraidant les uns les autres suite à cette inondation impressionnante, les habitants tentent de sauver les meubles et de retrouver de potentiels rescapés. C’est là qu’Oscar, accompagné de son domestique Bray sur une barque, rencontre à la fenêtre de l’une des chambres de l’hôtel de Perdido une jeune femme inconnue. Bloquée depuis quatre jours par les eaux, Elinor accepte volontiers d’être secourue et amenée auprès du reste de la population. La ville reprenant bientôt ses habitudes suite à la crue, Elinor choisit d’y poser ses bagages et de postuler pour le poste d’institutrice.
Aimable et fantaisiste, la jeune femme impressionne et séduit rapidement tout Perdido, si l’on ne compte pas Bray qui semble avoir peur d’elle, et Mary-Love Caskey qui voit d’un très mauvais œil l’intérêt que porte les hommes de sa famille à cette étrangère imperturbable. La Crue raconte alors le quotidien des Caskey et de cette nouvelle venue dans cette atmosphère bien sudiste qui fait la séparation entre les Blancs, propriétaires, et les Noirs, domestiques payés au lance-pierre mais heureux de leur sort. Mais, le fossé ne semble pas uniquement se crée entre personnes de couleur, mais aussi en fonction du genre. À Perdido, les femmes sont les véritables cheffes de file, comme l’atteste le caractère imposant et autoritaire de la matriarche Mary-Love. Ici, les femmes sont combatives et savent ce qu’elles veulent alors que les hommes sont plus conciliants et influençables.
L’immersion est rapide et complète grâce à ce style visuel et prégnant des émotions des personnages et des décors et paysages. Le tout reste tout de même très calme et latent. Il faut aimer ce genre de récits qui nous font languir pour nous appâter et nous bousculer d’autant plus nettement lors des passages fantastiques. Oui, car c’est grâce à ce choix de nous raconter le quotidien, certes sympathique mais quelquefois banal de cette famille, que les éléments fantastiques vont davantage nous marquer. On sent bien que l’auteur est déjà rôdé dans le genre horrifique tant il s’éclate dans ses descriptions inquiétantes et dans l’instauration d’une atmosphère pesante et surnaturelle qui apparaît aussi rapidement qu’elle ne s’évapore, sans pourtant nous laisser un goût de trop peu. Je n’ai pas cessé de m’interroger sur ce mystère autour d’Elinor et sur les intentions de ce personnage très énigmatique. Est-elle bienveillante ou purement nocive pour la communauté ? Difficile de trancher après seulement la lecture du premier tome. Mais, je compte bien poursuivre très prochainement avec La Digue, surtout après ce final qui m’a complètement laissée bouche bée.
« Oscar se tourna vers Elinor Dammert. Celle-ci ni dit rien, ne cilla pas ni ne changea d’expression. Elle ne livra aucun indice quant à ce qu’elle pensait qu’il devrait répondre – en vérité, seule son ignorance masculine empêchait Oscar de comprendre qu' »aucun indice » était en soi un indice suffisant. »
Une saga familiale dans laquelle les relations sont souvent bien tendues, mais on apprécie cette atmosphère du début du XXème siècle avec ses mœurs familiales et ses codes sociaux. Vu que la plupart du récit est très réaliste, les quelques passages fantastiques sont d’autant plus marquants et captivants.
Sortie : avril 2022
Édition : Monsieur Toussaint Louverture
259 pages
Quel enthousiaste avis ! Je t’avoue que tu m’as quasiment convaincu de tenter à mon tour ce premier volet même si j’émets encore de très légers doutes.
Merci à toi 😉
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Il faut aimer prendre son temps ^^ Mais tu fais bien de garder des réserves, surtout que le livre se fait de plus en plus encensé. Si tu te lances, tu auras moins de chance d’être déçu.
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Je m’en doutais mais l’écriture a l’air particulièrement soignée, que ce soit avec cette fluidité et simplicité qui rend la lecture aisé, ou ce fantastique justement dosé avec parcimonie. Ça me donne diablement envie de rapidement le sortir !
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C’est bien écrit et traduit, aucun défaut de ce côté. Pour un tome d’introduction, il est très réussi. La suite devrait laisser plus de place au fantastique, j’ai hâte de découvrir ça.
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Chouette parce que c’est quand même cette promesse de fantastique qui m’attire le plus, j’avoue ><
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Moi aussi j’avoue ^^
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Ça y est, je l’ai enfin lu et si j’ai eu du mal au début avec l’absence de tension narrative, en voyant petit à petit se glisser des doutes sur Elinor, j’ai lentement glissé et j’ai adoré le final. Je regrette trop de n’avoir pas acheté la suite et de ne pas pouvoir la caser avant le mois prochain ><
Elinor m’a fait penser aux Femmes des neiges des légendes japonaises. J’adore !
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Oui, j’ai aimé que l’histoire ne nous dise pas s’il faut être totalement contre ou pour Elinor, elle garde une bonne part de mystère. Je viens de commencer le tome 3, c’est toujours aussi bon même si le fantastique est toujours rare.
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Ahlala ça risque quand même de me frustrer ce fantastique un peu chiche… J’ai d’ailleurs failli abandonner le 1 à cause de ça, si on ne m’avait pas prévenue ^^!
Donc c’est bon à savoir que la suite, c’est un peu pareil…
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Cette saga est très intrigante !
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Il faut se laisser porter parce qu’au début, on ne sait pas trop où l’on va mais ça vaut le coup !
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Très beau retour! J’ai été surprise par le rythme assez lent mais finalement, je me suis laissée emportée par l’écriture fluide et l’ambiance mystérieuse de Perdido.
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Merci 🙂
Moi aussi, je ne m’attendais pas à ce rythme. Mais, comme on est habituée à lire des thrillers et polars qui prennent parfois leur temps pour installer une ambiance, ce n’est pas si surprenant qu’on accroche à ce premier tome ^^
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Je viens de finir d’écrire ma chronique sur ce premier tome et je retrouve tellement de mes ressentis dans la tienne ! 😃 J’ai aimé le côté lent de l’histoire, dans l’attente de ce qui va arriver – aussi bien pour la famille avec la mystérieuse Elinor que pour le côté fantastique/surnaturel qui arrive ponctuellement. Très curieuse de lire la suite !
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