Divorcée, Eve Fletcher dit maintenant au revoir à son fils qui part à l’université. Se retrouvant toute seule chez elle, Eve va redécouvrir sa féminité et comment ne plus vivre seulement comme une maman. Brendan, lui, découvre la vie sur le campus et les affres de la jeunesse de son époque.
À LA TÉLÉVISION
– Mrs. Fletcher
La route état longue et Eve pleura durant presque tout le trajet car le grand jour ne s’était pas déroulé comme elle l’avait espéré, évidemment. Anniversaires, fêtes, mariages, remises de diplômes, enterrements… tous ces grands jours portaient en eux trop d’attentes ; et les personnages qui comptaient dans sa vie se comportaient rarement comme elles étaient censées le faire.
Suite à mon visionnage il y a quelques temps de la mini-série Mrs. Fletcher avec Kathryn Hahn en MILF qui réévalue sa vie de quarantenaire célibataire, j’étais curieuse de voir ce que pouvait bien donner le roman original. Sans la série, aucune chance de me tourner vers lui, le second titre m’aurait fait fuir : Les Tribulations d’une MILF. Ça sent à plein nez la chick-lit, un genre qui regroupe des romans sentimentaux pour un public essentiellement féminin comme Le Journal de Bridget Jones, Les Confessions d’une accro au shopping ou Sex and the city qui en sont les trois romans fondateurs. Je n’ai absolument rien contre ces livres, en tant que lectrice, ça ne m’intéresse tout simplement pas.
Je me lançais donc dans Mrs Fletcher en connaissant globalement l’histoire mais en gardant également quelques à priori. Et ce roman m’a vite donné tort. Eve Fletcher est en pleine crise existentielle. Elle a 46 ans, elle est divorcée depuis des années, célibataire, et son fils Brendan part ce matin pour la fac. Tentant de tout faire pour rendre ces adieux les plus joyeux possibles, elle n’est pas du tout aidée par son fils qui, la plupart du temps, l’ignore. De retour chez elle, le constat lui arrive en pleine face : là voilà maintenant toute seule. Qu’est-ce qu’elle va bien pouvoir faire, elle qui avait l’habitude d’être une mère attentionnée pour son adolescent maintenant étudiant ?
Sa première idée : regarder du porno. Elle va tellement s’en abreuver que ça va devenir une obsession quotidienne, et elle est surprise d’être autant attirée par le porno lesbien. Prenant bientôt conscience de ses atouts, certains la qualifiant de MILF, une mère sexuellement attirante, Eve va tenter de nouveaux hobbies comme les cours du soir et de nouvelles amitiés. Principalement, il y a Margo, la nouvelle professeure qui enseigne sur la représentation des genres dans la société et qui est particulièrement bien placée pour en parler au vu de sa transsexualité ; Julian, le plus jeune du groupe, ancien camarade de classe de Brendan, qui est de plus en plus attiré par le charme d’Eve ; et Amanda, l’employée d’Eve dans une maison de retraite qui intrigue particulièrement notre MILF.
De l’autre côté, nous suivons Brendan lors de son arrivée à l’université. Habitué à ne pas faire grand chose en cours, il pense principalement aux fêtes étudiantes et aux filles. Mais la vie d’adulte commence et, Brendan se rend compte que sa popularité au lycée est loin d’être importante à la fac. Ici, il sera jugé sur ce qu’il dit et sur ce qu’il fait, et il a beaucoup de choses à apprendre, notamment sur la manière de se conduire avec les filles. Contrairement à ce que peuvent faire penser le titre et le résumé de ce roman, tout ne tourne pas autour d’Eve. Si elle reste le personnage principal, elle laisse également beaucoup de place dans la narration à son fils, à Amanda, à Julian, à Margo.
On a alors une multitude de personnages pour une multitude de sujets fort intéressants. Mrs Fletcher s’emploie à mettre en avant les relations homme/femme, la bisexualité, la transexualité, le célibat, la solitude, la pornographie et l’image qu’il renvoie sur notre réalité, la maladie mentale, le vieillissement, etc… Il est impossible de savoir que l’on va passer par toutes ses étapes avant de commencer cette lecture, et finalement, le fait qu’Eve soit une MILF, ça ne reste qu’une étiquette, elle se révèle rapidement bien plus que cela.
Tom Perrotta est parvenu à se mettre complètement dans la peau d’une femme, on ressent tout à fait son état d’esprit et ses doutes. Brendan est un jeune homme égocentrique qui ne comprend pas que tout ne lui soit pas offert sur un plateau. Il est la parfaite tête à claques que Jackson White a très bien su incarner. Ses relation avec les filles sont très problématiques et la manière dont l’auteur les met en avant pour les dénoncer est intéressante. Pour la plupart des autres sujets, c’est malheureusement assez survolé. Il y en a beaucoup trop pour que chacun obtienne un moment équitable. Tout ce qui touche à Eve est très réussi, le personnage est attachant et réaliste ; Brendan joue parfaitement son rôle d’homme qui sait qu’il possède un nombre incalculable de privilèges, heureusement il s’en rend finalement compte, ce qui le rend plus réfléchi.
Le point de vue de Margo est intéressant pour voir comment elle vit ce changement de sexe au quotidien, la perception qu’en ont les autres et sa relation naissante avec un homme. Il aurait été intéressant d’approfondir davantage le sujet. Le point de vue d’Amanda n’était pas nécessaire, n’apportant pas grand chose de neuf au côté des autres personnages cités et de Julian. Ce dernier m’a bien plus touché dans la série mais on comprend mieux ses prises de décision et ses doutes. Le roman offre la conclusion dont la série manquait, je suis au moins contente de l’avoir lu pour ça, finissant sur une touche d’ironie bien sympathique qui se conjugue bien avec l’ambiance globale du récit.
Si j’avais été totalement honnête, j’aurais répondu que ce film m’avait fait prendre conscience de ma chance. D’être un homme. Un Américain. D’avoir un corps en bonne santé et assez d’argent pour ne pas me demander si j’aurais à manger ce soir. De savoir que je ne serai jamais obligé de sacrifier mon bonheur et ma liberté pour défendre le bonheur et la liberté de quelqu’un d’autre. De me réveiller chaque matin en sachant qu’il pouvait m’arriver un truc chouette. Ce film m’avait donné envie de m’agenouiller pour embrasser le sol.
Sans la mini-série, je n’aurais jamais eu l’idée de lire le roman et j’aurais eu tort. C’est une lecture rafraîchissante et étonnamment très diversifiée dans ses sujets de société. Mais, il y en a trop, beaucoup sont survolés. On n’est pas uniquement focalisé sur Eve Fletcher, malgré ce que le titre et le résumé peuvent laisser croire, c’est une véritable représentation de la classe moyenne américaine.
Sortie : 2021 (1e éd. : 2019)
Édition : Lizzie
Lu par Rosalia Cuevas et David Macaluso
10h11
Je ne connaissais ni la série, ni le livre.
Merci d’en avoir parlé !
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C’est vrai qu’il n’a pas tellement fait de bruit, ni en livre ni en série, mais les deux sont bien sympathiques.
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