Grandissant au côté d’un frère tyrannique, Laurence tente de se trouver à l’âge adulte, sans grand succès. De son côté, le docteur Bashert, lassé de sa vie de couple, se réfugie dans son addiction au jeu. Ensemble, leur vie pourrait bien être chamboulée.
En lui se répandait une onde miraculeuse, une extase si intense que sa perception du temps et de l’espace en était modifiée. Il lui semblait qu’elle affectait aussi la chambre, en resserrait les murs, irradiant sol et plafond d’une prodigieuse clarté. Il jouissait, agrippé aux hanches de sa partenaire, debout contre le lit, dans ce mouvement alternatif et violent. Ses muscles se relâchèrent et il s’affala sur le matelas.

Prix Landerneau 2020, Cinq cartes brûlées est le treizième roman de Sophie Loubière, et pourtant, il est le premier que je lis de l’autrice. Et s’il m’a donné envie de lire d’autres de ses romans comme Black coffee ou De cendres et de larmes, ce livre n’est pas fait pour tout le monde. S’il est classé dans la catégorie thriller, je l’aurais personnellement davantage rangé dans celle du drame car, la vie des deux personnages est une succession d’échecs. Aucune éclaircie ou espoir pendant cette lecture noire dans laquelle la dépression et la folie mènent Laurence et le docteur Bashert vers l’inimaginable.
Laurence n’a pas eu la chance d’avoir un foyer équilibré. Martyrisée sans trop s’en rendre compte par son grand frère Thierry, elle grandit entre brimades et manque de confiance en elle alors que bientôt, son père fuit le foyer familia. Adulte, Laurence reste celle qui soutient sa famille entre une mère qui perd précocement la tête et un frère qui continue d’être son bourreau alors qu’il est à sa charge. Dans un environnement aussi toxique, difficile pour elle de s’épanouir en tant que femme et en tant qu’amante. De son côté, le docteur Bashert, psychologue, voit sa vie de couple s’essouffler depuis des années. Accro aux jeux d’argent, il passe de nombreuses soirées au casino, ce qui n’arrange pas ses relations avec sa femme. Mais, sa rencontre avec Laurence lui fait espérer un bonheur qu’il n’a pas ressenti depuis longtemps. Ces deux âmes perdues pourraient-ils enfin se trouver et s’épanouir ?
Dès le début de l’histoire, on comprend qu’il y a peu de chances. Laurence vit une existence sans grande joie malgré ses compétences sportives dans lesquelles elle se démarque et cette naïveté optimiste qui semble la caractériser. Cinq cartes brûlées m’a rapidement fait penser à La Vraie Vie d’Adeline Dieudonné, les deux romans dépeignant la construction d’une femme, de l’enfance à l’âge adulte, dans des circonstances critiques entre violences physiques/morales à l’intérieur du foyer, manque de repères, désillusion amoureuse, caractère effacé, etc… À la différence qu’avec Cinq cartes brûlées, j’avais hâte que Laurence trouve une once de positivité dans sa vie tellement tout est sombre, et rapidement un peu répétitif.
À la rencontre entre les deux personnages centraux, l’histoire retrouve de l’énergie qui, finalement, ne semble pas être bien canalisée à la fin. Difficile de ne pas être surpris par le retournement final, mais il est justement trop soudain pour être réellement convaincant. Qu’est-ce qui a amené à cet événement ? Je ne saurais vraiment le dire, l’autrice m’a donné l’impression de ne n’a pas avoir assez préparé le terrain de ce côté-là. La conclusion parait alors bâclée avec un changement de ton assez étrange. On se retrouve effectivement en plein thriller, mais uniquement à la fin. Par contre, je retiendrai le travail rigoureux sur la psychologie des personnages.
C’est parce que pour les autres, l’important, c’est ce qu’ils font de nous, pas ce que nous sommes. Ce que tu fais de moi n’est pas ce que je suis, ajouta-t-elle d’une voix étrangement tiède.
Plus un drame qu’un véritable thriller, le livre travaille sur la psychologie torturée de ses personnages et sur leurs échecs de vie. C’est très sombre, aucun espoir en vue, ce qui ne plaira pas à tout le monde même si très bien écrit. La fin contraste totalement avec le reste, l’autrice propose un retournement étrange, trop brusque et pas assez bien amené.

Sortie : octobre 2020
Édition : Lizzie
Genre : Thriller
Lu par Sophie Loubière et Bernard Gabay
8h27