Le Royaume assassiné, Alexandra Christo

Une sirène dévoreuse de princes condamnée à devenir une humaine pour prouver sa loyauté. Un prince délaissant son titre pour chasser avec son équipage les monstres envoûtants des mers. Ensemble, se battront-ils pour le guerre ou pour la paix ? Le Royaume assassiné, une réécriture plus sombre de La Petite Sirène.

Je possède un cœur pour chaque année que j’ai vécue.

Plus que satisfaite par ma première rencontre avec la maison De Saxus avec Nevernight de Jay Kristoff, j’étais décidée à continuer sur ma lancée avec Le Royaume assassiné ou La Neuvième Maison de Leigh Bardugo. Fan des univers marins et des histoires mélangeant pirates et créatures de l’océan, je pensais être comblée par le premier roman d’Alexandra Christo. Malheureusement, contrairement à beaucoup, j’ai été extrêmement déçue. Concrètement, je suis passée complètement à côté du Royaume assassiné.

Il faut dire que le style ne m’a pas spécialement aidé. Tout au long de ma lecture, j’ai été plus que circonspecte face à des tournures de phrases hasardeuses et à une traduction qui semble avoir voulu coller à tout prix à la langue originale. Le one-shot manque donc clairement de fluidité et de cohérence narrative. Même les dialogues sonnent parfois faux, manquant de naturel mais aussi d’originalité. J’ai été plus d’une fois sortie de ma lecture face à ces bizarreries qui m’ont étonnées après avoir été témoin du travail dantesque et excellent pour Nevernight. Peut-être avais-je finalement trop d’attentes avec une première bonne découverte de cette maison d’édition en pleine popularité.

Passons aux personnages : dès le début, je n’ai pas été convaincue par les deux héros qui manquent de consistance. Je n’ai pas réussi à être totalement sur la même longueur d’onde que ce prince pirate. Délaissant son héritage princier, il préfère pourfendre la mer avec son équipage pour chasser les sirènes. À dix-neuf ans, il a déjà réussi à recruter un par un une belle bande experte et à obtenir une pleine confiance de la part de celle-ci. Ça parait presque trop beau pour être vrai mais pourquoi pas. Le pirate est un mélange entre aventure, courage et détermination qui fonctionne plutôt bien au fil du roman.

– Qu’importe le visage, aucune différence.
Je relâche sa main.
– C’est son cœur que je veux.
– Tu en as tant, dit-elle de sa voix angélique. Bientôt, tu n’auras même plus la place de tous les enterrer.
Je me pourlèche les lèvres, prédatrice.
– Oui, peut-être. Mais une princesse ne peut résister à l’appel de son prince.

Pour ce qui est de la princesse des mers, c’est beaucoup moins convaincant. Celle qui arrache à chacun de ses anniversaires le cœur d’un prince, redoutée de son peuple, modelée selon sa démoniaque mère Reine des océans, est finalement peu impressionnante. Difficile de croire que la Dévoreuse de princes est aussi crainte par les siens lorsque nous la suivons dans l’océan comme sur la terre ferme. J’ai eu l’impression de suivre une peste en crise d’adolescence, loin de son image de carnassière qui se délecte de ses meurtres sur les humains.

Contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, cette réécriture de La Petite Sirène est finalement plus jeunesse que ce à quoi je m’attendais. Oui, l’univers est plus sombre et mortel mais ce seul principe ne rend pas un roman plus adulte. Pourtant, cet univers fantasy est prometteur avec sa mythologie autour des sirènes, les différents royaumes humains avec pour chaque famille royale un pouvoir propre, la guerre ancienne entre humains et sirènes, etc… Malheureusement, l’auteure ne prend pas assez le temps de le développer, préférant s’attarder sur ses deux héros et sur une intrigue finalement assez convenue. La romance est même assez peu présente mais, de toute manière, on devine dès le résumé ce qu’il va arriver.

Pour ce qui est de l’objet-livre, le travail éditorial est excellent avec de belles illustrations tout au long du roman. J’aurais aimé que cette attention s’ajoute à une traduction plus cohérente, ou alors c’est le style original qui pêche et là, je ne sais pas qui est le plus à blâmer. Vous l’avez compris, je ne vous recommande pas forcément Le Royaume assassiné même si, contrairement à ce que l’on peut croire à la lecture de cette chronique, ce n’est pas non plus un total échec. Les personnages secondaires sont convaincants et l’univers donne envie d’en connaitre davantage sur ses particularités, à la surface comme sous les mers. Finalement, cette deuxième découverte chez De Saxus ne m’a pas convaincue. Et j’ai peur que la troisième, La Neuvième Maison, ne soit pas plus concluante…

– Les mensonges ne font pas de bonnes réponses.
– Mais ils sont tellement plus agréables à entendre que la vérité.

Une réécriture de conte plus sombre et jeune adulte avec un univers prometteur mais qui n’est pas assez exploré. Les deux héros m’ont paru peu convaincants, en particulier Lira en laquelle je n’ai pas cru. L’intrigue est finalement assez convenue, c’est dommage.

Sortie : novembre 2020
Édition : De Saxus
500 pages