À travers vingt-huit histoires extraordinaires, tantôt macabres, tantôt facétieuses, Edgar Allan Poe nous ouvre les portes de son univers obscur dans lequel poésie et mort s’entremêlent.
Nous sommes condamnés, sans doute, à côtoyer éternellement le bord de l’éternité, sans jamais faire notre plongeon définitif dans le gouffre.

S’il y a bien un auteur dans cette grande collection des Maîtres du fantastique chez RBA qui m’intimidait, c’est bien Edgar Allan Poe. Et pourtant, il y avait peu de raisons que je reporte cette lecture de mois en mois. Poe a tout du poète maudit. Orphelin, rapidement veuf, côtoyant la maladie par l’intermédiaire de ses proches partis très tôt et se perdant de plus en plus dans l’alcoolisme, il aura matière à écrire sur les choses qui l’ont construites et qui l’accompagneront jusqu’au bout de sa vie. À peine aie-je entamé ce recueil de nouvelles que j’ai compris la fascination de Baudelaire et de Lovecraft pour ce poète et écrivain.
La mort, l’obscurité, la maladie, la nuit noire, les châteaux délabrés ou inhabités, l’alcool ; Edgar Allan Poe trouve son identité et son talent d’écrivain dans ces thèmes macabres dans lesquels il excelle. Cela va le mener, entre autres, à interroger la psychologie humaine et le libre-arbitre qu’il met en scène dans plusieurs de ses écrits. Pour autant, tout n’est pas totalement noir chez Poe. Avec ce recueil, j’ai pu découvrir des nouvelles comiques, teintées néanmoins de noirceur qui ne quitte jamais vraiment l’auteur. Divers thèmes reviennent dans plusieurs de ces histoires : la maladie, la mort, le retour de bâton, la notion de perversité, la vengeance, le burlesque, les décors gothiques.
Et le plus souvent, ces histoires ne laissent apparaitre qu’une faible dose de fantastique, Poe s’amusant à jouer sur nos peurs plus viscérales et réalistes, en gardant avec talent un certain suspense jusqu’à la révélation finale qui, souvent, réussit son coup. Maintenant, revenons succinctement sur ces différentes nouvelles qui composent le recueil.
Manuscrit trouvé dans une bouteille . Le Masque de la Mort rouge . L’Ange du Bizarre . Le Démon de la perversité . L’Ensevelissement prématuré . Le Portrait ovale . La Vérité sur le cas de M. Valdemar . Metzengerstein . Le Rendez-vous . Un homme usé . Le Chat noir . Le Cœur révélateur . La Caisse oblongue . Le Système du docteur Goudron et du professeur Plume . Le Corbeau . La Barrique d’Amontillado . Un événement à Jérusalem . Ombre . William Wilson . La Semaine des trois dimanches . Les Souvenirs de M. Auguste Bedloe . Hop-frog . Le Diable dans le beffroi . L’Homme des foules . Le Puits et le pendule . Le Roi peste . Une descente dans le maelström . Le Sphinx
Conclusion
COUP DE ❤
Manuscrit trouvé dans une bouteille (1833)
Naviguant sur une mer agitée, un bateau est pris dans la tempête. Seuls deux hommes survivent, dont le narrateur qui écrit son incroyable aventure pour la jeter dans une bouteille à la mer.
C’est une histoire maritime très prégnante de l’air marin et de la rudesse de l’océan dans ses épisodes les plus violents et orageux. On se met totalement dans la peau du personnage à tenter de comprendre ce qu’il se passe et d’être bientôt éberlué par le caractère surnaturel qui survient et qui peut nous laisser perplexes au départ. La prose poétique et gothique de Poe est magnifique et elle fonctionne parfaitement dans ce décor qui ne laisse presque aucun répit aux deux personnages.
Le Masque de la mort rouge (1842)
La peste emportant tout sur son passage, un prince décide de s’enfermer avec mille de ses plus proches gens dans une abbaye pour vivre de fêtes et d’orgies en attendant le départ de la maladie.
C’est la première nouvelle que j’ai lu du recueil et je me suis dis que si toutes les autres étaient de cette qualité, j’allais devenir totalement fan de cet écrivain. Elle est très visuelle par ces jeux de lumière avec des salles de toutes les couleurs dans lesquels ce prince et ses gens profitent de la protection des murs de l’abbaye alors que la peste gangrène le reste de la population. Avec beaucoup d’ironie, Poe ouvre les portes à un nouvel invité masqué qui fait grand effet face aux autres convives et redistribue les cartes dans cette partie où s’affrontent la vie et la mort.
L’Ange du Bizarre (1844)
Un orgueilleux sceptique reçoit la visite de l’Ange du Bizarre qui va chambouler sa vie.
J’ai été étonnée de rire lors de cette lecture, vraiment. La nouvelle est très drôle, surtout si vous vous essayez à lire les dialogues à haute voix et à prendre l’accent allemand de « l’Anche du Pizarre ». On ressent vite la grande espièglerie de l’auteur prenant pour victime le narrateur. Lui qui se félicite de sa culture reste pourtant des plus obtus face aux événements. Les échanges entre lui et l’Ange confortent la dimension comique, comme les diverses péripéties dans lesquelles on finit par le prendre en pitié à cause de sa malchance croissante.
Le Démon de la perversité (1845)
Et si la perversité était une valeur innée et inévitable de l’être humain ? Un homme admet cette thèse en racontant sa propre histoire.
L’auteur a le sens du suspense, on ne sait vers où l’on va jusqu’à être très surpris par la tournure des choses. Tout commence par un préambule d’apparence philosophique sur la perversité, tel l’introduction d’un essai. Et finalement, si on pouvait croire au départ que l’auteur parlait en son nom, voilà que le personnage principal se dévoile et lie ce sujet à sa propre histoire. Intéressant de suivre le raisonnement du narrateur qui voit en la perversité une certaine fatalité pour l’esprit humain, ce dernier étant la propre victime de ses penchants.

L’Ensevelissement prématuré (1844)
Un homme souffrant de catalepsie revient sur des cas d’enterrements prématurés qui accentuent de plus en plus sa propre phobie.
Avec des médecins qui pouvaient déclarer par erreur le décès de leurs patients, la peur de l’enterrement vivant était importante au XIXème siècle. Le narrateur revient sur plusieurs de ces faits extraordinaires et effrayants. La peur d’être enterré vivant devient viscérale pour lui, régentant alors ses journées et ses nuits. Cette peur pourra parler à tout le monde, comme le retournement final et l’analyse psychologique qui concluent la nouvelle avec une très grande justesse.

Le Portrait Ovale (1842)
Blessé, un homme pénètre avec son valet dans un château abandonné pour s’y reposer pendant la nuit. Ne trouvant pas le sommeil, il tombe sur un portrait féminin qui accapare son esprit.
Comme Oscar Wilde, Poe est inspiré par le portrait à qui on donne la vie. L’atmosphère obscure est pesante avec cette dominance du noir et ce lieu délabré mais riche d’art. C’est une micro-nouvelle qui revient sur la passion dévorante d’un peintre qui a, par son talent et sa folie croissante, donné vie à son tableau, au détriment de sa bien-aimée. L’auteur joue encore très bien sur nos attentes avec un début très intrigant et le fantastique, que l’on peut prendre seulement comme métaphore ici, est magnifiquement introduit.
La Vérité sur le cas de M. Valdemar (1845)
Expérimentant les effets du magnétisme sur l’être humain, un savant propose à l’un de ses amis, sur le point de mourir, de devenir son cas d’étude. Les médecin donnent au malade encore un jour et demi à vivre, le temps presse !
On retrouve l’atmosphère âcre et morbide chère à l’auteur avec la mort et la maladie qui nous enveloppent et ce malade à l’article de la mort dans son lit. On est pris dans les expérimentations du savant qui, lui aussi, est finalement aussi dépassé que les autres face à la conséquence effroyable de son étude. On ressent le travail de recherche de l’auteur pour dépeindre une réalité scientifique et macabre. Edgar Allan Poe m’a totalement eu avec cette dernière phrase visuellement très impactante qui fait ressentir choc, peur et dégoût. La question reste donc toujours en suspens : l’homme peut-il déjouer la mort ?

Metzengerstein (1832)
En Hongrie, une haine profonde oppose deux grandes familles. Un incendie se déclare sur la propriété des Berlifitzing, tuant le comte et faisant apparaître un cheval gigantesque que le jeune et tyrannique Frédérick, baron Metzengerstein, déclare comme sa propriété.
Metzengerstein est la première nouvelle publiée de l’auteur, ce qui, du point de vue de la qualité, ne se fait pas ressentir. Emprunt des grands codes de la littérature gothique – prophétie, sombres obsessions, rivalité familiale – et de la littérature européenne – époque médiévale, superposition d’éléments réalistes et surnaturels – cette nouvelle est une belle imitation des contes allemands dans laquelle l’auteur use de beaucoup d’ironie, à l’instar de L’Ange du Bizarre, tout en apportant à son histoire un cadre plus noble dans ses apparats. Les thèmes de la transmigration (passage de l’âme d’un corps dans un autre) et de la punition du sort sont particulièrement intéressants.
Le Rendez-vous (1834)
Sur sa gondole un soir à Venise, un homme est témoin du sauvetage d’un enfant. Le sauveur se révèle être l’un de ses vieux amis et le prie de le retrouver le lendemain matin pour discuter.
La nouvelle est composée de bonnes descriptions qui nous mettent dans l’ambiance et d’une vraie tragédie romaine avec meurtre, amour contrarié, secrets, etc… La conclusion est bonne même si abrupte, on est finalement aussi sonné que le narrateur à se demander ce qu’il se passe.
Un homme usé (1839)
Émerveillé par le physique et la réputation du général John A.B.C. Smith, un homme tente à tout prix de connaître le mystère autour de ses combats à l’étranger.
Le plus souvent nommé L’Homme qui était refait, cette histoire, à ranger dans le genre de la comédie, est étonnante. La forme est parfaite avec un style d’écriture dans lequel on ressent très bien l’adulation et la nervosité du narrateur face à ce mystérieux général. Ses multiples déconvenues pour découvrir son histoire auprès de plusieurs de ses connaissances ne vont faire qu’exacerber sa curiosité et son caractère atypique. La révélation est étonnante, l’auteur ménageant bien ses effets en nous rendant aussi impatients que son narrateur. C’est sympathique et inventif.
Le Chat noir (1843)
Un amoureux des animaux devient, à cause de son alcoolisme, un être détestable et violent envers son épouse et ses familiers. Sa première victime est Pluton, son chat, mais ce dernier va réussir à se venger en révélant la véritable nature de son maître.
Le Chat noir serait l’une des nouvelles les plus autobiographique de l’écrivain, de par l’inspiration trouvée auprès de son propre chat et de son propre problème avec l’alcool. C’est surtout la nouvelle la plus violente et la plus insoutenable. Si vous êtes particulièrement sensibles à la maltraitance animale, cette nouvelle peut être rédhibitoire. Poe explore encore, comme dans Le Démon de la perversité, son idée de la perversité et de la manière avec laquelle elle pousse les êtres humains à produire les pires exactions en son nom. La nouvelle rappelle aussi Le Cœur révélateur avec un narrateur froid et manipulateur qui nous raconte son crime. Et on retrouve également cette idée de punition inévitable présente dans plusieurs autres nouvelles de l’auteur.
Le Cœur révélateur (1843)
Un fou raconte froidement son crime.
Très ressemblante au Démon de la perversité par ses thèmes (la folie, un crime, l’étude psychologique, le besoin d’avouer son méfait), cette nouvelle-ci ne jouit pas d’une construction narrative qui cherche à nous surprendre. Par contre, c’est très détaillé, froid et donc d’autant plus inquiétant. Ce qui ne nous empêche pas de nous mettre à la place du narrateur et de ressentir en même temps que lui la sueur froide qui coule en bas du dos au moment où il se sent coincé.
La Caisse oblongue (1844)
À bord de l’Independance, un artiste réserve trois cabines pour son épouse, ses deux sœurs et une caisse oblongue. Un ami de longue date qui est également du voyage est de plus en plus curieux au sujet de cette mystérieuse caisse.
Poe propose ici un rythme plus calme qui imite la cadence des vagues tranquilles emportant le bateau pour New York. C’est plus tranquille, tel un court répit entre deux nouvelles angoissantes. Le mystère connaît une résolution intéressante même si, un peu prévisible pour un œil contemporain. Néanmoins, l’histoire fait état d’une grande souffrance et d’un profond amour qui laissent difficilement indifférent.
Le Système du docteur Goudron et du professeur Plume (1845)
Curieux de visiter une maison de santé provinciale en France, un jeune homme va être invité par le directeur pour dîner où il va être témoin du nouveau système pour surveiller les aliénés.
Avec un titre pareil, qui rappelle pourtant une punition humiliante pratiquée au Moyen-Âge, on ne pouvait s’attendre qu’à une histoire comique. Peu de surprise de ce côté-là mais la nouvelle possède un retournement final plaisant, même si ce dernier est assez prévisible. On plonge dans une belle parodie avec ce dîner étrange entre les tenues déconcertantes et les parures grandiloquentes des convives et l’excentricité de ces soignants qui miment avec énergie la folie de leurs patients. Poe semble avoir le goût du burlesque.
Le Corbeau (1845)
Une nuit de décembre, un homme cherche à oublier la mort de sa belle Lenore lorsqu’un corbeau surgit dans la pièce et exacerbe sa douleur.
Avec Le Chat noir, c’est sûrement l’un des écrits les plus connus du recueil. Effectivement, c’est un poème très intéressant pour sa forme, (18 strophes de six vers), sa métrique et ses allitérations. Seulement, il serait intéressant que je le relise dans sa langue d’origine. Certaines répétitions de mots peuvent faire tiquer dans la version française, ce qui a amoindri mon plaisir de lecture. On ressent tout de même toute la musicalité des vers. Et, le désespoir de l’homme est à chaque strophe de plus en plus insoutenable à mesure que le Corbeau lui lance son éternelle sentence.
La Barrique d’Amontillado (1846)
Dans une ville italienne, Montresor s’emploie à manipuler Fortunato, un noble qui l’a insulté, pour le tuer en toute discrétion.
Comme dans Le Chat noir et Le Cœur révélateur, on suit le point de vue de l’assassin. Seulement, cette fois-ci, on ne connaît pas réellement les raisons du crime, ce qui rend la chose d’autant plus amorale. La sentence rappellera aussi la phobie du narrateur dans L’Ensevelissement prématuré. En choisissant l’Italie, on sent bien que Poe a voulu revêtir son histoire de crime vengeur et de trahison mortelle dans la longue tradition des tragédies italiennes et antiques.

Un événement à Jérusalem (1832)
A Jérusalem au temps de Pompée, trois religieux de confession juive se préparent à recevoir de la part des romains un agneau à donner en sacrifice. Mais l’échange va prendre un tournant très désagréable.
C’est la nouvelle qui m’a le plus déboussolée. Au départ, j’ai été perdue par ce changement d’époque et de style avec la religion comme élément central de l’histoire. On reprend tout de même vite les rênes malgré des dialogues qui ne parleront pas à tout le monde, surtout à ceux qui n’y connaissent pas grand chose en religion. La fin est très surprenante et on comprend qu’elle puisse effectivement être insoutenable pour les personnages juifs.
Ombre (1835)
Huit amis se retrouvent et assistent à la mort de l’un d’entre eux, victime de la Peste, quand arrive vers eux une Ombre mystérieuse.
C’est dommage parce que les premiers paragraphes sont très prometteurs avec une poésie philosophique qui instaure une certaine aura au récit. Le style gothique se mêle parfaitement au registre tragique en lien avec l’époque choisie, la Grèce antique. Malheureusement, la nouvelle connait une fin précipitée qui semble bâclée et ressemble trop au Masque de la Mort rouge.
William Wilson (1839)
Un homme, qui se fait surnommer William Wildon raconte son effroyable histoire. Écolier ingénieux et manipulateur, William voue bientôt une véritable haine pour un autre garçon portant le même patronyme. Devenu adulte, il sera pourchassé par ce double alors qu’il commet des méfaits.
Poe exploite la figure du double d’un point de vue psychologique qui est intéressant même si la nouvelle met du temps à se mettre au place. La première partie en lien avec le passage à l’école est interminable. Heureusement la suite est beaucoup plus saisissante et intéressante.
La Semaine des trois dimanches (1841)
Un jeune homme presse son oncle d’accepter ses fiançailles avec sa cousine. L’oncle propose alors une date de mariage : la semaine des trois dimanches.
On a encore le droit à une nouvelle au ton comique avec ce mariage qui se fait attendre et la nouvelle lubie de l’oncle pour la théologie et les coïncidences de la vie. Cette histoire aurait fortement inspiré Jules Verne pour la trame du Tour du monde en 80 jours et je comprends l’intérêt qu’il a pu trouver à la pirouette finale qui est sympathique. Mais l’histoire reste assez oubliable.
Les Souvenirs de M. Auguste Bedloe (1844)
A Charlottesville en Virginie, Auguste Bedloe est de plus en plus friand des expériences magnétiques de son ami et médecin Tumpleton. Un jour, Bedloe est victime d’une aventure extraordinaire qui surprend nullement son ami.
La nouvelle exploite, comme dans Metzengerstein, l’idée de la transmigration des âmes. Plus longue et moins dynamique, elle propose tout de même un mystère intéressant avec ce retournement final bien pensé. Elle réutilise aussi le sujet du magnétisme, à l’instar de La Vérité sur le cas de M. Valdemar, tout en étant moins sombre, visuelle et impactante.
Hop-frog (1849)
Hop-frog, bouffon d’un roi qui aime à le ridiculiser, a une nouvelle bouffonnerie à proposer lors d’un bal masqué au château.
Ça commence comme une nouvelle comique et burlesque pour finir sur une scène des plus atroces, Poe s’inspirant de l’épisode historique et malheureux du Bal des ardents. On est encore face à cette idée de retour de bâton contre un roi qui s’amuse à ridiculiser plus petit que soi. Même si cette nouvelle est moins intéressante du point de vue du style, elle reste joliment funèbre.

Le Diable dans le beffroi (1839)
Dans un village hollandais, la vie est bien monotone. Les habitants, tous semblables, ne pensent qu’à leurs horloges et à leurs choux jusqu’à ce qu’un étranger vienne bouleverser leur quotidien.
Encore une nouvelle bien ironique et facétieuse avec un démon aux allures de bouffon avec son habit burlesque qui rappellera d’autres nouvelles du recueil. Mais, l’histoire n’est finalement pas très percutante et donne la sensation d’être bâclée.
L’Homme des foules (1840)
Observant la foule urbaine, un homme se met en tête de suivre l’un des passants au comportement étrange.
Celle-ci m’a fait un drôle d’effet tellement elle m’a rappelée une nouvelle de Stefan Zweig placé dans son recueil La Peur, au sujet d’un homme qui poursuit silencieusement un pickpocket dans la rue. C’est à se demander ce que cette nouvelle fait dans ce recueil tellement elle ne ressemble en rien aux autres. Dans un cadre plus moderne, urbain, réaliste, un homme est rapidement absorbé par la bizarrerie d’un étranger dans la rue. La curiosité absolue du narrateur pour la virée de ce passant n’est pas des plus passionnantes et la conclusion pourra paraître décevante pour certains, d’autres apprécieront son caractère mélancolique.
Le Puits et le pendule (1843)
Un prisonnier endure plusieurs tortures dans les geôles de l’Inquisition espagnole.
Sans user du surnaturel, l’auteur réussit à rendre sa nouvelle terrifiante grâce à l’évocation des sensations du narrateur, effrayé et perdu dans l’obscurité de sa prison. La seconde partie autour du pendule est plus intéressante que celle du puits qui n’a finalement pas beaucoup d’importance. C’est tout de même très lent.

Le Roi peste (1835)
Au temps du roi Édouard III, deux matelots profitent de leur nuit sur la terre ferme pour boire tout leur soûl. En fuyant la tavernière qu’ils n’ont pas payé, Legs et Tarpaulin se glissent dans les bas-fonds fantomatiques depuis l’énorme vague de peste. Les deux camarades sont alors surpris de tomber sur une réunion bien alcoolisée dans l’arrière salle des pompes funèbres dans laquelle ils sont invités par le roi Peste.
La nouvelle aurait besoin, pour un lecteur contemporain, d’être relu plusieurs fois pour bien comprendre toutes les références concernant l’époque de l’écrivain. J’ai eu l’impression de me retrouver dans un tohu bohu à la Alice au pays des merveilles mais cette fois-ci dans une cave avec des êtres macabres et effrayants. Cette nouvelle en forme d’allégorie se joue de la peste avec monstres de foire entre difformités et maladies, alcool à gogo et jeux de mots peu subtils.
Une descente dans le maelström (1841)
En Norvège, un homme raconte sa survie face au Moskoe-Strom, un puissant tourbillon dans la mer.
C’est l’une des nouvelles qui m’a le moins intéressée. Où était l’émotion dans cette évocation d’une aventure aussi bouleversante ? On suit les événements en appréciant ce cadre nordique, mais je n’ai ressenti aucun lien ou empathie avec le personnage qui raconte son histoire traumatisante.

Le Sphinx (1846)
Invité chez un ami sur les bords de l’Hudson à l’époque d’une épidémie de choléra, un homme est le témoin de l’apparition d’un monstre, qu’il prend comme un présage de mort.
C’est une nouvelle très courte et très anecdotique. En la finissant, difficile d’adhérer à cette distorsion de la réalité de la part du narrateur même si, en réfléchissant à son état d’esprit, lui qui est entouré par la mort, l’apparition macabre peut davantage s’expliquer. Mais, ça ne rend pas le retournement final plus intéressant ou plus impactant.
Il y a dans les cœurs des plus insouciants des cordes qui ne se laissent pas toucher sans émotion. Même chez les plus dépravés, chez ceux pour qui la vie et la mort sont également un jeu, il y a des choses avec lesquelles on ne peut pas jouer.
Très agréablement surprise par ce recueil avec des nouvelles variées et des tons différents, tout en explorant souvent des thèmes similaires. Tantôt glauque, saisissant et dans la pure tradition gothique, tantôt ironique, facétieux et vengeur, Edgar Allan Poe nous emporte au sein de son univers incroyable, poétique et macabre. Toutes les nouvelles ne se valent pas mais le recueil dans sa globalité est très intéressant.
Édition : RBA (Les Maîtres du fantastique)
320 pages
Content de voir que ce recueil ait démontré de l’intérêt te concernant. Personnellement et n’appréciant que très peu le genre, j’ai trouvé le résultat assez pompeux et fort daté.
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