Manu et Nadine fuient leurs vies en suspens et leurs méfaits pour un road trip d’autant plus meurtrier et irrévérencieux. Meurtres, violence, sexe, Baise-moi ne fait aucune concession et déconcerte par son ton et sa forme.
DE LA MÊME AUTRICE
– Cher connard
Saga Vernon Subutex
– tome 1
– tome 2 (PAL)
– tome 3 ]
Assise en tailleur face à l’écran, Nadine appuie sur « Avance rapide » pour passer le générique. C’est un vieux modèle de magnétoscope, sans télécommande.
Après ma découverte de l’écriture bien particulière de Virginie Despentes dans le premier tome de Vernon Subutex, j’ai sauté sur l’occasion d’écouter son tout premier roman Baise-moi, disponible chez Audiolib. Merci à la maison d’édition et à NetGalley pour cette lecture. Avec un tel titre, nul doute que ce roman ne peut s’adresser à tout le monde. Virginie Despentes aime à provoquer et surtout à annoncer immédiatement la couleur. Ici, il est question de sexe, de violence et de meurtres. Pour contrebalancer, l’histoire nous propose en filigrane une relation amicale de plus en plus intéressante entre les deux femmes de ce roman.
Manu, une femme de banlieue et ancienne actrice porno en quête de vengeance depuis que l’un de ses amis a été attaqué au vitriol ; Nadine, une prostituée obsédée par le porno qui ne supporte plus son quotidien avec sa colocataire. Dans le caractère, les deux femmes ont peu en commun. L’une est rentre-dedans et affirmée, l’autre est réservée et plus apathique. Pourtant, après leur déclic respectif et violent, elles se rencontrent et se lient rapidement d’une amitié spéciale, sans grande logique pour une personne lambda. Mais la misère de leur vie, leur rage, leur désir de survie, vont se retrouver l’une dans l’autre et l’idée de faire un bout de chemin ensemble devient vite évident.
Au début, on croit mourir à chaque blessure. On met un point d’honneur à souffrir tout son soûl. Et puis on s’habitue à endurer n’importe quoi et à survivre à tout prix.
Fuyant leur vie suite à leurs méfaits indépendants l’une de l’autre, les deux femmes se lient bientôt dans une sorte de road trip meurtrier impressionnant. Rien ne semble pouvoir les arrêter et les personnes qu’elles rencontrent semblent même leur donner raison, malgré des actions méprisables. Mais Manu et Nadine, elles ne sont plus réellement ancrées dans la réalité. Le plus important : avancer, ne pas se faire prendre, arracher aux autres ce que l’on veut obtenir par n’importe quel moyen. Le style percutant de l’auteure permet de ressentir l’énergie propre aux personnages, leur essence, mais aussi, la simplicité avec laquelle Manu et Nadine se découvrent et s’acceptent comme elles sont.
Le début est tout de même un peu compliqué avec une sorte de revendication de cette vie en perdition piégée entre drogues, mauvais coups et sexe à la va-vite. Il faut un peu de temps pour que l’on voit où l’auteure veut en venir et dès la rencontre entre Manu et Nadine, le roman devient bien plus fluide. Le gros problème reste la grossièreté omniprésente. C’est à double tranchant : vous pouvez accepter immédiatement ce parti pris et aimer la manière propre à Virginie Despentes de ne laisser aucune zone d’ombres dans la vie de ses personnages en mettant la crasse et la violence en avant.
Ou, vous pouvez vite vous lasser de la prétention de l’auteure de vouloir choquer à chaque phrase, à chaque description. L’idée est de déconcerter, voire de révulser. Néanmoins, je ne pense pas qu’elle avait besoin d’exagérer à ce point dans ce style provocateur qui veut mettre en avant la réalité de vies insalubres et délaissées. On pourrait dire qu’elle va justement jusqu’au bout de son idée, mais il faut apprécier être témoin de viol, de meurtres violents, de pratiques sexuelles explicites et de tabous que l’auteure balance devant nous sans problème. La lecture de Rébecca Chaillon ne m’a pas vraiment aidé à apprécier davantage ce roman, je n’ai pas trouvé la lecture très naturelle par rapport à d’autres narrateurs chez Audiolib. Baise-moi n’est donc pas à mettre entre toutes les mains, ou toutes les oreilles.
Elle n’a pas honte de ça. Il y a de l’orgueil à se mettre aussi bas, un héroïsme dans la déchéance. Elle a du mépris pour les autres, ceux qui ne savent rien et la prennent de haut quand elle passe, parce qu’ils s’imaginent qu’ils ont plus de dignité.
Une lecture particulière qui nous saisit dès les premières pages et qui se transforme bientôt en un Thelma et Louise déconcertant. L’évolution de la dynamique entre les deux femmes est très intéressante à découvrir, manque que l’auteure est dans l’envie constante de choquer, jusqu’à en faire trop dans la grossièreté et les descriptions dérangeantes.
Sortie : juin 2021 (1e éd. : 1993)
Édition : Audiolib
Lu par Rébecca Chaillon
5h20
Je n’ai pas vu Thelma & Louise, je lis un peu de tout concernant la comparaison entre ce film et Baise-moi… Que je n’ai pas réussi à apprécier. Je pense en effet faire partie des personnes qui se sont lassées de la forme pour délaisser le fond. (Fond que je n’ai pas encore trouvé d’ailleurs…!)
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Coucou ! C’est effectivement une lecture dérangeante, très très violente, voire choquante. Mais il y a un arrière-plan politique, une description d’une situation sociale, qui donne de l’intérêt au roman. Je crois que je n’aurais pas apprécié la description gratuite de la violence ! En tout cas, c’est ma première découverte de Despentes, je compte bien poursuivre sur ma lancée !
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