Envieux de s’élever dans la haute société parisienne, le jeune Eugène de Rastignac se prend bientôt d’affection pour le Père Goriot, un de ses compagnons d’auberge, n’ayant d’autre passion que ses deux filles qui, elles, le délaissent pour leurs propres fantaisies. Rastignac, pour s’extraire de son humble condition, compte bien apprendre les règles de la société parisienne et séduire une des filles Goriot.
DU MÊME AUTEUR
– Le Colonel Chabert
– Ferragus
– La Duchesse de Langeais
– La Fille aux yeux d’or
– La Fausse Maîtresse
– Illusions perdues
« Madame Vauquer, née de Conflans, est une vieille femme qui, depuis quarante ans, tient à Paris une pension bourgeoise établie rue Neuve-Sainte-Geneviève, entre le quartier latin et le faubourg Saint-Marcel. Cette pension, connue sous le nom de la maison Vauquer, admet également des hommes et des femmes, des jeunes gens et des vieillards, sans que jamais la médisance ait attaqué les mœurs de ce respectable établissement. Mais aussi, depuis trente ans, ne s’y était-il jamais vu de jeune personne, et, pour qu’un jeune homme y demeure, sa famille doit-elle lui faire une bien maigre pension. »
Suite à ma lecture d’Illusions perdues, un bon pavé de 800 pages sur le monde du journalisme et de l’édition au XIXème siècle, j’étais assez frileuse à l’idée de retourner auprès d’Honoré de Balzac. Après donc quelques années, je me suis enfin décidée à lire Le Père Goriot et, quelle satisfaction ! Dès le premier chapitre qui nous fait le portrait de tous les locataires à l’auberge de Mme Vauquier, Balzac nous fait la démonstration de toute l’intelligence de son écriture, de sa verbe poétique et rieuse – voire railleuse – sur la vie parisienne et ceux qui la composent.
D’abord, le Père Goriot, moqué par ses voisins de chambre pour la régression de sa condition au fil des ans et de son air simplet. Mais, loin d’être un ignare, il est seulement plus intéressé par le bonheur de ses deux filles que par sa propre vie. Anastasie et Delphine se sont élevées grâce à leur mariage, mariage qui les a peu à peu éloignées de leur cher père. Avec Goriot, Balzac fait la démonstration de la passion unique, celle qui vous extrait de la réalité et qui vous essouffle peu à peu jusqu’à la ruine. Par cette dévotion unilatérale, Goriot, en père aimant, devient bientôt pathétique aux yeux de ses connaissances et du lecteur même. Ses dernières paroles sont néanmoins extrêmement puissantes et émouvantes.
« Notre cœur est un trésor, videz-le d’un coup, vous êtes ruinés. Ne pardonnons pas plus à un sentiment de s’être montré tout entier qu’à un homme de ne pas avoir un sou à lui. Ce père avait tout donné. Il avait donné, pendant vingt ans, ses entrailles, son amour : il avait donné sa fortune en un jour. Le citron bien pressé, ses filles ont laissé le zeste au coin des rues. »
Eugène de Rastignac ne fait pas exception dans le jeu de moquerie dans lequel Goriot est la victime sans même le remarquer. Mais tout s’arrête lorsqu’il apprend l’existence des deux filles Goriot. Étudiant en droit, Eugène désire expressément s’élever au sein de l’élite parisienne. Grâce à l’introduction par Madame de Bauséant, une parente éloignée, le jeune homme va pouvoir rencontrer des personnes dans lesquelles ils voient un espoir de réussite et de richesse. D’Anastasie ou de Delphine, le choix est d’abord arbitraire, Rastignac étant tout aussi séduit par les deux beautés, et surtout intéressé par leur statut.
En apprenant que les deux femmes sont les progénitures de l’un de ses voisins de chambre, Rastignac se prend subitement d’affection pour le Père Goriot. Balzac réussit à retourner son personnage principal, lui qui pouvait d’abord ressembler à une Nana prêt à se servir des autres pour obtenir ce qu’il désire. Et finalement, Eugène révèle son humanité et sa bonté en nourrissant cette relation bientôt presque filial avec le vieux père. Le personnage n’en est que plus étonnant et intéressant, surtout au côté des deux femmes, Delphine et Anastasie, le plus souvent focalisées sur leurs propres plaisirs et malheurs.
Honoré de Balzac nous offre une véritable fresque de personnages dans ce Paris fourmillant entre paraître et intrigues. Le récit ne manque pas de péripéties et de surprises, alors que l’on pourrait s’attendre uniquement à une représentation, comme tant d’autres romans, de ce XIXème siècle où les classes sociales se mélangent rarement. Et même dans cette représentation, l’écrivain est ingénieux. Avec ses thèmes de prédilection, la passion amoureuse, l’argent, les apparences de la bourgeoisie, etc., Balzac nous séduit et nous captive par cette ironie constante mélangée à ce constat de son époque, entre réalisme, réflexions philosophiques et fatalisme. La Comédie humaine me fait maintenant davantage de l’œil, je suis vraiment curieuse de retrouver Eugène, Delphine, Vautrin et compagnie dans les autres romans de l’auteur.
« Bah ! tout le monde croit à la vertu ; mais qui est vertueux ? Les peuples ont la liberté pour idole ; mais où est sur la terre un peuple libre ? Ma jeunesse est encore bleue comme le ciel sans nuage ; vouloir être grand ou riche, n’est-ce pas se résoudre à mentir, plier, ramper, se redresser, flatter, dissimuler ? n’est-ce pas consentir à se faire le valet de ceux qui ont menti, plié, rampé ? »
Quelle finesse, quelle ironie, quelle peinture de la vie parisienne bourgeoise dans laquelle l’argent et les amourettes sont le centre des attentions. Goriot est un homme attendrissant jusqu’à être parfois pathétique dû à l’amour inconditionnel, voire obsessionnel, qu’il a pour ses filles. Et Rastignac est un jeune arriviste étonnant par l’humanité qui se dévoile peu à peu et cette amitié qui naît entre les deux hommes.
Sortie : 1972 (1e éd. : 1835)
Édition : Folio (Classique)
436 pages
Une fois ma collection de classique terminée, je vais faire un point d’honneur à me pencher sur nos auteurs français, à commencer par celui-ci que je ne connais que de nom mais qui semble avoir un style et une plume abordable et accrochante.
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Tu es beaucoup plus tourné vers les auteurs anglais, c’est vrai 😄
Je m’attendais à quelque chose d’un peu lourd et au contraire. Balzac mêle descriptions de Paris, critique sociale envolées philosophiques, amours contrariés et même rebondissements !
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Disons que la collection en propose en majeure partie et que ce style me correspond totalement.
Après, quand je vois que j’ai adoré Notre-Dame de Paris, je suis certain que de belles surprises m’attendent du côté des classiques français.
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Oh oui, tu as de quoi faire ! Quand je vois ce que proposent Balzac, Hugo, Flaubert, Musset ou Zola pour ne citer qu’eux, il y a de très belles découvertes à faire de ce côté-là.
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